Transition énergétique du Canada : Changements passés et à venir dans les filières énergétiques – Mise à jour – Évaluation du marché de l'énergie
5. Tendances de la transition énergétique du Canada
La transition énergétique du Canada s’opère dans bien des sphères de l’économie, où elle est influencée par diverses technologies, politiques et tendances du marché. Dans ce chapitre seront traités trois volets fondamentaux de cette transition qui se rapportent à la façon dont les Canadiens produisent et consomment leur énergieNote de bas de page 29 :
- La décarbonation de l’électricité – abandonner progressivement les sources d’électricité émettrices de carbone et développer les sources non émettrices comme les énergies renouvelables, les biocombustibles, le nucléaire et les technologies de capture et de stockage du carbone.
- L’électrification, le remplacement de combustibles et l’amélioration du secteur des transports – renoncer aux utilisations finales à forte intensité carbonique au profit de combustibles produisant peu, voire pas d’émissions, surtout dans les transports.
- L’augmentation de l’efficacité énergétique et les changements de comportement – utiliser l’énergie de façon plus intelligente et opportune, et opter pour des activités moins énergivores.
La décarbonation de l’électricité
LE CASSE-TÊTE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Le secteur de l’électricité peut-il reposer à 100 % sur les énergies renouvelables? C’est une question fréquemment soulevée.
Même si, dans certaines régions et nations comme le Yukon, la Colombie-Britannique, le Québec, le Costa Rica et l’Islande, toute l’électricité ou presque est issue des énergies renouvelables, elle provient en premier lieu des centrales hydroélectriques à réservoir, qui sont le fruit du climat et de la géographie. Cette forme d’énergie est fiable, stockable et remarquablement facile à convertir en électricité.
En revanche, les nouvelles énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien ne se stockent pas aussi facilement (ni de manière aussi économique), et elles ne sont pas aussi fiables : la vitesse du vent varie rarement en phase avec la demande, et l’énergie solaire dépend de l’ensoleillement. Les centrales au fil de l’eau (courantes dans les Territoires du Nord-Ouest) ont aussi une capacité de stockage limitée, et leur production n’est pas adaptable à la demande.
Un bouquet énergétique diversifié, alliant production thermique traditionnelle d’appoint, stockage dans des batteries, réseau moderne et interconnexion entre les régions, peut réduire, voire éliminer, bon nombre des problèmes associés aux nouvelles énergies renouvelables.
Au Canada, le secteur de la production d’électricité bénéficie beaucoup des caractéristiques géographiques. Pour un pays de cette taille et de cette démographie, près de 80 % de la production peut être considérée comme non émettrice. Dans de nombreuses provinces et régions – Yukon, Colombie-Britannique, Manitoba, Québec, Terre-Neuve-et-Labrador –, le secteur repose essentiellement sur l’hydroélectricité. Celle-ci domine aussi en Ontario, aux côtés du nucléaire.
En 2012, l’intensité d’émission moyenne de la production d’électricité dans les pays de l’OCDE était de 448 grammes de CO2 par kilowattheure (« kWh »). À titre de comparaison, celle du Canada était de 160 grammes de CO2 par kWhNote de bas de page 30. Mais cette moyenne nationale relativement faible vient brouiller les chiffres à l’échelle provinciale.
Plusieurs provinces, dont l’Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, produisent une grande partie de leur électricité à partir des combustibles fossilesNote de bas de page 31. En 2017, à elles quatre, elles ont généré 93 % des émissions de GES du Canada issues de l’électricité, alors qu’elles n’ont produit que 20 % de l’électricité du pays. La figure 10 illustre la grande variabilité de l’intensité d’émission de la production d’électricité entre les provinces et les territoires : en 2017, le Québec a émis en moyenne 1,3 gramme de CO2 par kWh, contre 750 grammes pour l’Alberta.
La figure 10 montre aussi qu’entre 1990 et 2016, presque toutes les provinces et tous les territoires du Canada ont augmenté leur production d’électricité, tout en réduisant leur intensité d’émission. Cette tendance devrait se maintenir à mesure que les émissions issues du charbon seront éliminées ou captées grâce aux technologies de capture et de stockage du carbone (« CSC »), et que les énergies renouvelables poursuivront leur croissance.
Figure 10 : Production d’électricité totale et intensité d’émission de la production d’électricité par province (1990 et 2017)
Source : ECCC – Rapport d’inventaire national (1990-2017)
Description :
Ces deux graphiques à colonnes illustrent les tendances du secteur de la production d’électricité au Canada. Dans le premier, on constate que toutes les provinces et tous les territoires (excepté le Nouveau-Brunswick et le Yukon) ont produit plus d’électricité en 2017 qu’en 1990, avec en tête le Québec, l’Ontario et l’Alberta.
Dans le second, qui compare l’intensité d’émission de la production d’électricité en 1990 et en 2017, on observe que l’ensemble des provinces et des territoires ont réduit leur intensité. Mentionnons notamment l’Ontario qui, grâce à l’élimination graduelle du charbon, est passé de 200 à 17 grammes d’éq. CO2 par kWh, réduisant ainsi ses émissions de GES issues de la production d’électricité de 25,8 Mt d’éq. CO2 en 1990 à 2,5 Mt d’éq. CO2 en 2017.
Note : Comme le Nunavut s’est séparé des Territoires du Nord-Ouest en 1999, il n’y a pas de données qui lui sont propres avant cette année-là; les chiffres de 1990 englobent donc les deux territoires. Les données sur la production de l’Île-du-Prince-Édouard en 1990 comprennent la production au diesel, ce qui explique l’intensité très élevée. En 2017, 25 % des besoins en électricité de la province étaient comblés par la production locale (principalement éolienne), et les 75 % restants, par l’électricité importée du Nouveau-Brunswick, principalement issue du nucléaire, du charbon, de l’hydroélectricité et du gaz naturel.
LA CAPTURE ET LE STOCKAGE DU CARBONE, QU’EST-CE QUE C’EST?
D’après l’OCDE, le Canada est devenu un modèle mondial dans les technologies de CSC. Celles-ci consistent à capter les émissions de CO2 d’une grande centrale ou installation industrielle émettrice et à en injecter un flux pur dans un réservoir souterrain à haute pression. Ces réservoirs peuvent être des cavernes de sel ou des champs de pétrole ou de gaz épuisés. Dans certains cas, le CO2 injecté peut contribuer à la récupération du pétrole brut (processus appelé « récupération assistée des hydrocarbures »).
La technologie de CSC est utilisée au Canada depuis 2014, année de sa mise en service dans la centrale alimentée au charbon de Boundary Dam de SaskPower à Estevan, en Saskatchewan. Depuis, elle a servi en Alberta dans le cadre du projet Quest de Shell, qui séquestre le CO2 issu des procédés de valorisation des sables bitumineux. Quest est relié à l’Alberta Carbon Trunk Line, un pipeline également destiné au transport et au stockage du CO2 de la nouvelle raffinerie Sturgeon et de l’usine d’engrais Nutrien, toutes deux situées près de Redwater, en Alberta.
Tous ensemble, les grands projets de CSC du Canada pourraient réduire les émissions de CO2 du pays de 6,4 millions de tonnes par an, soit 3 % de la réduction nécessaire pour atteindre la cible nationale pour 2030.
Même si le charbon et le gaz naturel dominent encore le bouquet énergétique de l’Alberta et de la Saskatchewan, les deux provinces délaissent peu à peu le charbon au profit du gaz naturel dans leurs nouvelles installations de production thermique. Elles augmentent également leur production issue d’énergies renouvelables autres qu’hydroélectriques : en Alberta, la part de l’éolien est passée de 1,1 % en 2005 à 5,4 % en 2017, permettant à la province de se classer troisième au Canada dans ce domaine, derrière le Québec et l’Ontario. L’énergie éolienne a également progressé en Saskatchewan, où elle représentait 3,8 % de la production totale en 2017, contre 0,5 % en 2005. Ajoutons que le Sud de la Saskatchewan et le Sud de l’Alberta affichent un potentiel photovoltaïque parmi les plus élevés au Canada. La Saskatchewan s’est engagée à produire 60 MW d’énergie solaire d’ici 2021Note de bas de page 32. L’Alberta, quant à elle, possède déjà un parc solaire photovoltaïque commercial d’une puissance installée de 17 MW, et plusieurs projets proposés représentant plus de 500 MW seront achevés d’ici 2020. Comme les coûts des modules solaires photovoltaïques continuent de baisser, l’avenir de l’énergie solaire en Saskatchewan et en Alberta pourrait être des plus radieuxNote de bas de page 33.
Dans l’ensemble du Canada, les énergies renouvelables autres qu’hydroélectriques ont connu ces 10 dernières années une croissance non négligeable, comme le montre la figure 11Note de bas de page 34. Entre 2005 et 2017, le bouquet énergétique canadien a gagné environ 16 gigawatts (« GW ») de capacité issue de ces énergies, à la faveur d’une combinaison de changements de politique et de forces du marché (comme la baisse des coûts).
Figure 11 : Capacité de production électrique installée au Canada (2005-2017)
Source : Office national de l’énergie – Avenir énergétique du Canada en 2018
Description :
Ces deux graphiques à colonnes empilées illustrent l’évolution de la capacité de production électrique installée au Canada de 2005 à 2017. Le graphique de gauche montre la capacité installée, toutes sources confondues, tandis que celui de droite montre la capacité issue des énergies renouvelables autres qu’hydroélectriques. On constate ainsi qu’entre 2005 et 2017, cette dernière est passée de 2,4 GW à 18,1 GW, soit une augmentation de 654 %. La capacité de production issue d’énergies à émissions nulles (nucléaire, hydroélectricité, éolien et solaire) est quant à elle passée de 86,3 GW à 109,2 GW, soit une hausse de 27 %. Enfin, la capacité de production thermique a augmenté de 4 %, passant de 46,8 GW à 48,6 GW.
Note : La production thermique comprend le nucléaire, le gaz naturel et le charbon et le coke.
Le remplacement des utilisations finales et l’amélioration du secteur des transports
Outre la croissance de la production d’électricité à émissions nulles, pour opérer un virage vers une économie sobre en carbone, il faudra remplacer les combustibles à base de carbone par l’électricité afin de profiter ainsi de la production à faible intensité carbonique du Canada.
À l’heure actuelle, l’électricité satisfait 17 % des besoins d’utilisation finale du pays, comme le montre la figure 12. Les hydrocarbures, c’est-à-dire le gaz naturel et les produits tirés du pétrole brut, répondent à la majorité des 83 % restants. Ils sont principalement utilisés dans le secteur des transports (carburants), dans le secteur industriel (chauffage et charge d’alimentation) et dans les secteurs résidentiel et commercial (chauffage des bâtiments et de l’eau).
Figure 12 : Demande d’énergie pour utilisation finale et production d’électricité par source au Canada (2017)
Source : Office national de l’énergie – Avenir énergétique du Canada en 2018
Description :
Le graphique en anneau illustre la demande d’énergie pour utilisation finale par source au Canada. Les produits pétroliers raffinés (essence, diesel, mazout de chauffage) tiennent le haut du pavé (40 %), suivis par le gaz naturel (36 %). L’électricité ne représente que 17 % de la demande, et les biocombustibles et les énergies émergentes, 6 %.
Le graphique à colonnes, quant à lui, montre la provenance de l’électricité canadienne en térawattheures (« TWh »). Les énergies hydroélectrique, houlomotrice et marémotrice arrivent en tête avec 370 TWh, suivies par l’énergie nucléaire (uranium) avec 95 TWh, le gaz naturel avec 69 TWh et le charbon et le coke avec 61 TWh. Arrivent ensuite les énergies renouvelables autres qu’hydroélectriques – ici, l’éolien – avec 30 TWh, suivies par la biomasse et l’énergie géothermique avec 13 TWh et le solaire avec 3,9 TWh. Enfin, le pétrole et les produits pétroliers ferment la marche avec 3,5 TWh.
Note : La catégorie « Autres » comprend le charbon, le coke et le gaz de cokerie.
Le secteur des transports est le deuxième émetteur du Canada, derrière celui du pétrole et du gaz naturel. En 2017, il représentait environ le quart (174,4 Mt d’éq. CO2) des émissions totales du pays. Par ailleurs, la quasi-totalité du secteur dépend des produits pétroliers raffinés : essence, diesel, carburéacteur et combustible de soute (navires). De toute évidence, c’est donc le secteur le plus propice aux réductions d’émissions, réductions que l’on pourrait obtenir par l’amélioration des normes de consommation de carburant et d’efficacité énergétique, l’intégration des biocarburants durables et l’électrification.
Le secteur peut être divisé en deux grandes catégories : le transport des marchandises et le transport des personnes. Comme le montre la figure 13, c’est la première catégorie (camions, avions, trains et navires de fret) qui a enregistré la croissance des émissions la plus forte, soit 121 % entre 1990 et 2017. Notons que les camions arrivent en tête de toutes les sous-catégories avec une hausse de 209 %. Les principaux facteurs de cette augmentation sont l’accroissement de la population, la croissance du PIB, l’intensification du commerce international et interprovincial et la pression des consommateurs qui exigent des livraisons rapides. Certaines tendances, dont la livraison juste-à-temps (livraisons petites et rapides) et la hausse du nombre de « kilomètres parcourus à vide » sur les trajets de retour, ont elles aussi contribué à la croissance de la demande, et par conséquent, à l’augmentation des émissionsNote de bas de page 35.
Figure 13 : Croissance des émissions de GES dans le secteur des transports (1990 et 2017)
Source : ECCC – Rapport d’inventaire national (1990-2017)
Description :
Ce graphique à colonnes illustre l’augmentation des émissions de GES dans le secteur des transports entre 1990 et 2017. On constate que les émissions des automobiles ont chuté de 19 % au cours de ces 27 ans, tandis que celles des camions légers à passagers ont grimpé de 134 %. Les émissions provenant du transport de voyageurs par avion, autobus, train et motocyclette ont augmenté de 23 %. Les émissions des camions de marchandises ont quant à elle augmenté de 209 %, et celles des avions, des trains et des navires de marchandises ont baissé de 8 %. Enfin, les émissions de la catégorie « Autres » (utilisations récréatives, commerciales et résidentielles) ont diminué de 52 %.
Entre 1990 et 2017, les émissions combinées des automobiles et des camions légers à passagers ont augmenté de 33 %. Mais prises séparément, les émissions des automobiles ont baissé de 19 % (voir figure 13), notamment grâce à l’amélioration des normes de rendement du carburant, mais surtout en raison de la baisse de popularité des voitures et à la montée des camions légers et des véhicules utilitaires sport. Au total, les émissions des camions légers à passagers (véhicules utilitaires sport, fourgonnettes, véhicules utilitaires légers) ont grimpé de 138 %. Entre 1990 et 2016, le nombre de camions légers sur les routes est passé de 4 millions à plus de 11 millions.
La réduction des émissions issues du transport des personnes et des marchandises contribuerait beaucoup aux efforts de lutte contre les changements climatiques que le Canada s’est engagé à faire. Là où le pays connaît une progression marquée, c’est dans l’électrification des véhicules. Comme on le voit dans la figure 14, les ventes de véhicules électriquesNote de bas de page 36 sont en forte croissance depuis quelques années.
Le Cadre pancanadien réglemente la vente et le déploiement des véhicules électriques au Canada. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux continuent de collaborer entre eux et avec le secteur privé et les autres parties prenantes pour établir une stratégie pancanadienne sur les véhicules à émission zéro (« VEZ »). Tous ensemble, ils ont fait de grands progrès pour accélérer l’adoption des VEZ et des véhicules à carburant de remplacement. Mais encore faudra-t-il que les véhicules électriques parviennent à rivaliser avec les véhicules à moteurs à combustion interne traditionnels sur le plan du prix et de l’autonomie. Les constructeurs automobiles devront aussi adapter leur production pour tenir compte de la popularité croissante des camions légers et des véhicules utilitaires sport. Et enfin, les véhicules électriques devront être alimentés par un réseau électrique sobre en carbone pour aboutir à une réduction notable des émissions de GESNote de bas de page 37.
Figure 14 : Croissance des véhicules électriques au Canada (2012-2018)
Source : Statistique Canada (tableau 20-10-0001-01); FleetCarma; données sur les ventes de véhicules électriques au Canada (Matthew Klippenstein); calculs de l’Office.
Description :
Ce graphique à colonnes et linéaire montre les ventes trimestrielles de véhicules électriques et la part qu’elles représentent sur les ventes totales au Canada de 2012 à 2018. On constate qu’il se vendait en moyenne 492 véhicules électriques par trimestre en 2012 (soit une part de marché de 0,1 %), et qu’il s’en est vendu en moyenne 11 452 par trimestre en 2018 (soit une part de marché de 2,1 %).
Les changements dans les politiques et les programmes publics (développement des réseaux de transport en commun, imposition de normes sur l’économie de carburant) peuvent également contribuer à réduire les émissions. Chacun peut aussi apporter sa pierre à l’édifice en réduisant sa consommation d’énergie et ses émissions, par exemple en changeant de moyen de transport ou en achetant un véhicule plus écoénergétiqueNote de bas de page 38, en changeant sa technique de conduite, en évitant de conduire aux heures de pointe et en prenant moins souvent sa voiture.
Le Cadre pancanadien porte essentiellement sur l’électrification des véhicules personnels, mais il établit aussi de nouveaux règlements concernant les véhicules utilitaires lourds, dont font partie les véhicules de transport de marchandises et les autobus. En 2018, le gouvernement du Canada a publié la version modifiée définitive d’un règlement visant à réduire les émissions de GES des nouveaux véhicules utilitaires lourds routiers. Il a aussi créé un groupe de travail fédéral, provincial et territorial chargé de créer de nouvelles exigences pour faire installer des dispositifs d’économie de carburant dans les véhicules utilitaires lourds, conformément au Cadre pancanadienNote de bas de page 39. À partir de 2020, les règlements sur la réduction des émissions seront de plus en plus stricts pour ces véhicules. Le gouvernement du Canada espère ainsi réduire leurs émissions annuelles de 6 Mt d’éq. CO2 d’ici 2030.
L’augmentation de l’efficacité énergétique
L’efficacité énergétique joue un rôle fondamental dans la transition énergétique du Canada, et elle figure à ce titre dans le Cadre pancanadien. Dans son rapport, le Conseil Génération Énergie explique que pour se créer un avenir sobre en carbone, le Canada doit impérativement réduire le gaspillage d’énergie. Il précise aussi que « [l]’amélioration de l’efficacité énergétique nous permettrait de remplir à un bon tiers de l’engagement en matière d’émissions que nous avons pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climatNote de bas de page 40 ».
D’après l’AIE, en améliorant son efficacité énergétique, le Canada pourrait faire baisser durablement sa demande d’énergie primaire et pour utilisation finale pendant des dizaines d’années, et ce malgré la croissance de l’activité économiqueNote de bas de page 41. Et selon le Conference Board du Canada, il pourrait ainsi réduire sa demande d’énergie de 15 % d’ici 2035 (par rapport à 2017)Note de bas de page 42.
Secteur industriel
Au Canada, le secteur le plus gros et le plus énergivore est le secteur industriel. En 2016, il représentait 28 % du PIB et 52 % de la demande en énergie du pays. C’est aussi un gros émetteur de GES : la même année, il a produit 39 % des émissions du Canada.
Entre 1990 et 2016, la demande d’énergie du secteur industriel a augmenté de 26 %. Pendant cette période, le secteur a vécu des changements structurels importants : certaines filières ont vu leur importance relative décliner (surtout les pâtes et papiers et le secteur manufacturier), tandis que d’autres (surtout l’énergie) ont vu la leur grimper. La figure 15 compare la part de la consommation d’énergie et des émissions de GES attribuable aux industries agrégées au Canada. Elle montre aussi l’évolution de ces parts entre 1990 et 2016
L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE : UNE RESSOURCE?
Quand la demande d’électricité dépasse l’offre, on peut soit augmenter l’offre, soit réduire la demande. Pour répondre aux pointes de consommation à court terme avec une nouvelle offre, il faut souvent faire appel à des blocs d’alimentation plus vieux et moins efficaces. Pour répondre à la croissance de la demande à long terme, en revanche, il faut souvent moderniser ou remettre à neuf les centrales ou en bâtir de nouvelles.
Sinon, on peut aussi investir dans l’efficacité énergétique et l’économie d’énergie pour réduire la demande pendant les pointes de consommation et à long terme.
Selon des études, les programmes d’efficacité énergétique font partie des solutions les plus économiques pour répondre aux besoins futurs.
Pour mesurer l’efficacité énergétique, on peut utiliser le « négawatt », une unité théorique qui représente la consommation électrique évitée ou économisée.
Figure 15 : Consommation d’énergie et émissions de GES par industrie (1990 et 2016)
Source : Ressources naturelles Canada (RNCan) – Base de données nationale sur la consommation d’énergie
Description :
Ce graphique à colonnes compare la part de la consommation d’énergie et la part des émissions de GES des sous-secteurs industriels du Canada, et montre l’évolution de ces parts entre 1990 et 2016.
Le sous-secteur canadien qui consomme le plus d’énergie et émet le plus de GES est l’exploitation minière (y compris l’industrie du pétrole et du gaz naturel en amont). En 2016, la filière minière représentait 35 % de l’énergie consommée et 44 % des GES émis par le secteur industriel, contre respectivement 13 % et 16 % en 1990, ce qui représente une augmentation considérable.
La croissance enregistrée par le secteur pétrolier et gazier en amont depuis 1990 est largement attribuable à l’exploitation in situ des sables bitumineux. Pour extraire le bitume de ces gisements, il faut utiliser la vapeur. Les deux procédés les plus courants sont le drainage par gravité au moyen de vapeur et la stimulation cyclique par la vapeur, et comme ils nécessitent tous deux du gaz naturel, ils sont gourmands en énergie et polluantsNote de bas de page 43.
Pour calculer l’intensité et l’efficacité énergétiques de l’exploitation des sables bitumineux, on peut faire appel à un indicateur clé : le rapport vapeur/pétrole, qui exprime le volume de vapeur requis pour produire une unité de pétrole. Grâce aux innovations réalisées dans le domaine des sables bitumineux, ce rapport s’est amélioré ces dernières années, et cette tendance devrait se poursuivre. La réduction des émissions de GES reste une priorité dans ce domaine, et la production de carburants plus propres est une stratégie non négligeable pour la transition énergétique, comme l’indique le rapport du Conseil Génération Énergie. Et en explorant de nouvelles technologies comme l’injection de solvantsNote de bas de page 44 pour remplacer l’extraction de bitume par la vapeur, on devrait encore améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions.
Intensité énergétique et intensité d’émission ne vont pas forcément de pair. Par exemple, la méthode de fusion utilisée pour transformer la bauxite en aluminium est très gourmande en électricitéNote de bas de page 45, Note de bas de page 46. Les fonderies sont donc souvent situées près des sources d’électricité abordables : c’est pourquoi il y en a neuf au Québec et une en Colombie-Britannique, où l’hydroélectricité abondante et bon marché permet à l’industrie de réduire ses coûts et ses émissions.
Entre 1990 et 2015, la production d’aluminium du Canada a augmenté de 123 %. Au cours de la même période, les émissions de carbone absolues ont diminué de 38 %, et l’intensité carbonique (tonnes d’éq. CO2 par tonne d’aluminium), de 66 %Note de bas de page 47. Grâce à ces efforts de réduction, le secteur canadien de la fusion d’aluminium possède l’empreinte carbone la plus faible au mondeNote de bas de page 48. Qui plus est, les nouveaux procédés en développement au Canada pourraient bien éliminer complètement les émissions carboniques des fonderies.
Outre l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction des émissions du secteur industriel, dans le Cadre pancanadien, le gouvernement s’est engagé à réduire les émissions de méthane issues du secteur pétrolier et gazier de 40 % à 45 % d’ici 2025, par rapport au niveau de 2012Note de bas de page 49. Le méthane, dont le potentiel de réchauffement climatique est 25 fois plus élevé que celui du CO2, peut être rejeté accidentellement dans l’atmosphère lors d’une fuite dans un puits de pétrole ou de gaz, ou lors d’une mise à l’air.
Secteur résidentiel et secteur commercial
En 2016, le secteur résidentiel du Canada représentait 14 % de la consommation d’énergie totale, et le secteur commercial et institutionnel, 12 %.
Dans un ménage canadien moyen, l’énergie consommée sert surtout au chauffage des bâtiments (62,4 % de la demande totale pour utilisation finale) et au chauffage de l’eau (18,7 %). Les 18,9 % restants sont utilisés pour les appareils ménagers, l’éclairage et la climatisationNote de bas de page 50.
Comme on le voit dans la figure 16, un peu plus de la moitié des ménages canadiens se chauffent au gaz naturel ou au mazout. Le reste utilise un système électrique, un système bivalent ou un autre type de chauffage (thermopompe, bois, charbon et propane). Les systèmes bivalents allient bois et mazout, mazout et électricité, ou gaz naturel et électricité.
Sur les ménages qui se chauffent au gaz naturel, 62 % utilisent une chaudière à rendement élevé, 37 % une chaudière à rendement moyen, et 1 % une chaudière à rendement normal. En 1990, les chaudières au gaz à rendement normal étaient les plus répandues, et de loin, puisqu’elles représentaient 89 % de l’ensemble des chaudièresNote de bas de page 51. De même, dans le cas du mazout, les chaudières à rendement normal représentaient 98 % du total en 1990, alors qu’en 2016, cette part avait chuté à 1 %, sous l’effet de la montée des chaudières à rendement moyen et élevé.
Figure 16 : Part des systèmes de chauffage du secteur résidentiel (1990-2016)
Description :
Ce graphique à colonnes empilées montre la part de chaque système de chauffage dans le secteur résidentiel. Entre 1990 et 2016, on constate que la part du mazout a diminué de 14,3 % à 7,5 %. En 2016, presque toutes les chaudières au mazout au Canada étaient à rendement moyen.
Au cours de la même période, la part du gaz naturel a légèrement augmenté, passant de 44,0 % à 46,8 %. En 1990, parmi toutes les chaudières au gaz naturel, la part des chaudières à rendement moyen ou élevé n’était que de 11 %, alors qu’en 2016, elle était de 99 %.
On constate également qu’entre 1990 et 2016 : la part des résidences chauffées à l’électricité est passée de 28,1 % à 28,9 %, la part des résidences chauffées avec d’autres sources est passée de 4,9 % à 7,9 %, et la part des résidences chauffées avec un système bivalent est restée à 8,7 %.
Note : La catégorie « Autres » comprend les thermopompes (5 % de la part totale en 2016), le bois (1,9 %) et le charbon et le propane (1,0 %). Dans les systèmes bivalents figurent le bois et l’électricité (4,7 % de la part totale en 2016), le bois et le mazout (2,2 %), le mazout et l’électricité (1,3 %) et le gaz naturel et l’électricité (0,5 %).
Les récentes avancées dans le domaine de l’éclairage constituent un autre exemple notable d’amélioration de l’efficacité énergétique : les lampes fluocompactes et les diodes électroluminescentes (DEL) consomment 80 % à 85 % moins d’énergie par lumen émis qu’une ampoule à incandescence traditionnelle. Les laveuses à chargement frontal peuvent consommer 80 % moins d’électricité que les anciennes laveuses de grande capacité à chargement par le haut. Les progrès accomplis dans le domaine des fenêtres et de l’isolation permettent d’augmenter l’efficacité énergétique des nouveaux logements, et même des anciens, s’ils font l’objet de rénovations. Ces avancées du côté des appareils ménagers ont largement contribué à réduire la consommation d’énergie des ménages et à leur faire économiser de l’argent.
D’après l’Office de l’efficacité énergétique de RNCan, entre 1990 et 2015, les gains d’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel ont réduit la consommation d’énergie de 656 pétajoules (« PJ »), une baisse non négligeable pour un secteur qui a consommé 1 544 PJ en 2015. À titre de comparaison, au cours de la même période, ces mêmes gains ont permis au secteur commercial et institutionnel de réduire sa consommation de 169 PJ, consommation qui était de 1 009 PJ en 2015.
Le secteur commercial et institutionnel est diversifié : il comprend les bureaux, les espaces commerciaux, les entrepôts et les bâtiments institutionnelsNote de bas de page 52 qui jouent un rôle fondamental dans la société et l’économie. Comme pour les bâtiments résidentiels, la majorité de l’énergie consommée dans le secteur commercial sert au chauffage des bâtiments (54,7 %). L’équipement auxiliaire représente 14,4 % de l’énergie consommée par le secteur, suivi de l’éclairage (11,1 %) et du chauffage de l’eau (7,8 %). Entre 1990 et 2015, la consommation d’énergie du secteur commercial a augmenté de 35 %.
La nature fragmentée et diversifiée du secteur commercial et institutionnel fait obstacle à l’adoption des technologies d’efficacité énergétiqueNote de bas de page 53. La figure 17 illustre la lente diminution de l’intensité énergétique (mesurée en gigajoules [« GJ »] par mètre carré d’aire de plancher) des bâtiments commerciaux au Canada. Ce sont ceux construits entre 1920 et 1959 qui ont l’intensité la plus forte. Ceux construits après 1960 affichent de petites réductions d’intensité énergétique.
Figure 17 : Consommation d’énergie et intensité énergétique des bâtiments commerciaux selon l’année de construction (2014)
Description :
Ce graphique à colonnes et linéaire montre la consommation d’énergie et l’intensité énergétique des bâtiments commerciaux au Canada selon leur année de construction. On constate que ce sont les bâtiments construits entre 1970 et 1979 qui consomment le plus d’énergie, avec 181,7 PJ, et ceux construits à partir de 2010 qui en consomment le moins, avec 38,5 PJ. Précisons toutefois que ce dernier chiffre ne représente que quatre années de construction. Quant à l’intensité énergétique, c’est chez les bâtiments construits entre 1920 et 1959 qu’elle est la plus élevée (1,25 GJ par mètre carré), et chez les bâtiments construits à partir de 2010 (0,99 GJ par mètre carré) qu’elle est la plus basse.
Les progrès réalisés dans les normes de construction et la certification des bâtiments, comme le processus de certification LEEDNote de bas de page 54, ont contribué à réduire l’intensité énergétique des édifices commerciaux : les bâtiments construits après 2009 sont en moyenne 15 % moins énergivores que ceux construits entre 2000 et 2009.
La stratégie canadienne pour les bâtiments, une composante du Cadre pancanadien, vise à ce que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se dotent de codes du bâtiment imposant des normes d’efficacité énergétique de plus en plus strictes. Elle comporte plusieurs volets : amélioration de l’efficacité des nouveaux édifices, modélisation de maisons et bâtiments commerciaux à rendement énergétique net zéroNote de bas de page 55, modernisation des bâtiments existants, collecte et diffusion de données sur la consommation d’énergie et amélioration de l’efficacité énergétique des appareils, de l’équipement et des fenêtres. À partir de 2020, les pouvoirs publics canadiens adopteront des codes du bâtiment plus rigoureux, l’objectif ultime étant d’instaurer un code à rendement énergétique net zéro dans les provinces et les territoires dès 2030.
ECCC estime que si l’ensemble des provinces et des territoires empruntent la voie tracée par la stratégie canadienne pour les bâtiments, le pays pourrait réduire ses émissions de 21,6 Mt d’éq. CO2 par an, soit 11 % des objectifs qu’il s’est engagé à atteindre en 2030 aux termes de l’Accord de Paris.
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