Commission – Lettre de décision – Westcoast – Demande de cessation d’exploitation du gazoduc Pointed Mountain

Commission – Lettre de décision – Westcoast – Demande de cessation d’exploitation du gazoduc Pointed Mountain [Dossier 4506242]

Dossier 3426221
Le 5 décembre 2024

Deon Bridge
Enbridge Inc.
10175 – 101st Street NW
Edmonton, AB T5J 0H3

Courriel: Information not available

Kathleen Shannon
Enbridge Inc.
Suite 200, 425 – 1st Street SW
Calgary, AB T2P 3L8

Courriel: Information not available

Westcoast Energy Inc.
Demande visant le projet de cessation d’exploitation du gazoduc
Pointed Mountain présentée aux termes du paragraphe 241(1) de la
Loi sur la Régie canadienne de l’énergie
Ordonnance d’audience MH-004-2022
Lettre de décision et ordonnance ZO-003-2024

Devant : M. Chartier, commissaire-présidente; T. Grimoldby, commissaire; S. Luciuk, commissaire (dissidence partielle)

Bonjour,

Le 2 février 2022, Westcoast Energy Inc.(« Westcoast ») a présenté à la Régie de l’énergie du Canada, aux termes du paragraphe 241(1) de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, une demande en vue de la cessation d’exploitation du gazoduc Pointed Mountain (« projet »). La société projette de cesser d’exploiter, sur 56 kilomètres, une conduite de 508 millimètres (20 pouces) située dans un secteur chevauchant le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et la Colombie-Britannique. Elle a affirmé que le gazoduc est désactivé depuis de nombreuses années, qu’il n’est plus raccordé à son réseau pipelinier et qu’aucune utilisation future n’est prévue.

1. Résumé de la décision

La Commission de la Régie de l’énergie du Canada approuve la demande de Westcoast concernant la cessation d’exploitation sur place du gazoduc Pointed Mountain et rend par conséquent l’ordonnance ZO-003-2024, ci-jointe, en vertu du paragraphe 241(1) de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Dans sa demande, Westcoast a aussi demandé à être soustraite à l’application de la norme CSA Z662, qui porte sur la sécurité des réseaux de canalisations de pétrole et de gaz, afin d’être autorisée à abandonner sur place six bornes d’essai. La majorité de la Commission rejette la demande d’exemption, sans préjudice du droit de Westcoast de déposer une nouvelle demande à cette fin, qui tiendrait compte des motifs exposés aux présentes.

Après un résumé des questions relatives au Nord et du processus d’audience, la présente lettre de décision expose l’analyse et les constatations de la Commission au sujet de la consultation des peuples autochtones, des questions liées aux peuples autochtones ainsi que de la pertinence des méthodes de cessation d’exploitation proposées, des éléments techniques, environnementaux, relatifs à la sécurité, économiques, socioéconomiques et fonciers.

2. Contexte et questions relatives au Nord

Puisque le gazoduc s’étend des Territoires du Nord-Ouest jusqu’au Yukon, la Commission a des responsabilités de réglementation sous le régime de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, de même que de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Elle a soupesé les éléments de preuve pertinents dans le contexte de ces deux lois et elle est convaincue de satisfaire à ses obligations aux termes de la partie 5 de la première et de l’article 87Footnote 1 de la seconde.

Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon

Selon l’article 87 de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, la Commission ne peut rendre de décision de réglementation relativement au projet tant que le décisionnaire compétent n’a pas rendu de décision écrite pour la partie du projet située au Yukon. L’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon a produit les rapports d’évaluation de la portée initiale établie par Westcoast (2022-0065) et de la portée modifiée (2023-0160). Westcoast a versé deux mémoires au registre de la Régie :

  • deux décisions écrites (portée initiale), du gouvernement du Yukon et du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord (22 janvier 2024);
  • une décision écrite consolidée (portée modifiée) du gouvernement du Yukon et du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord (24 juillet 2024).

Conformément au paragraphe 87(3) de la Loi sur l’évaluation environnemental et socioéconomique au Yukon, la Commission a étudié les décisions écrites qu’ont rendues les décisionnaires (gouvernement du Yukon et ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord) sous le régime de cette loi. Elle est convaincue que les dispositions de la loi ont été respectées et qu’elle peut rendre une décision de réglementation quant à la demande de Westcoast.

Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie

Suivant l’article 118Footnote 2 de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Commission ne peut rendre de décision de réglementation jusqu’à ce que soient remplies les exigences de la partie 5. Westcoast a déposé une demande devant l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie afin d’obtenir un permis d’utilisation des eaux et un permis d’utilisation des terres pour la partie du projet située dans les Territoires du Nord-Ouest. Le dépôt de la demande a déclenché un examen préalable aux termes de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, pour lequel la Régie est l’organisme de réglementation désignéFootnote 3. Les exigences de la loi ont été satisfaites au cours des étapes de processus indiquées ci-après

  • Conformément au paragraphe 124(1) de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Commission a avisé Westcoast qu’elle avait été désignée à titre d’organisme de réglementation (décisionnaire) aux termes de la loi et elle a lancé le processus d’examen préalable (12 août 2022).
  • La Commission a également avisé l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie (« Office d’examen ») qu’elle avait reçu la demande de Westcoast (24 août 2022).
  • Conformément à la partie 5 de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie a effectué un examen préalable du projet tout entier. Parce que la portée de l’examen préalable était large, la Commission a pu adopter la décision préliminaire de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.
  • Westcoast a versé au dossier de l’instance la décision préliminaire de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie relativement au projet (24 juillet 2024).
  • Conformément au paragraphe 124(4) de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Commission a adopté la décision préliminaire de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et en a avisé l’Office d’examen (4 septembre 2024).
  • La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie exige que la Commission attende dix jours après l’examen préalable avant de se prononcer. Il en est ainsi pour permettre aux autres organismes de réglementation de soumettre le projet à une évaluation environnementale complète même si l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie détermine que cela n’est pas nécessaire. En l’espèce, ni l’Office d’examen ni l’un des organismes aptes à le faire n’ont demandé d’évaluation environnementale du projet pendant la période de dix jours.

La Commission est convaincue d’avoir respecté ses obligations au titre de la partie 5 de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et de pouvoir se prononcer sur la demande de Westcoast.

Processus d’audience MH-004-2022

La Commission a conçu le processus d’audience de manière à assurer l’équité et la participation véritable de tous les intervenants. Pendant l’audience, elle a adressé cinq séries de demandes de renseignements à Westcoast, auxquelles la société a répondu, et elle a sollicité les commentaires des participants sur les conditions provisoires. Des étapes étaient prévues pour le dépôt d’une preuve écrite, d’une contre-preuve et d’une plaidoirie écrite finale.

Le 11 mars 2022, Westcoast a informé la Commission qu’elle avait reçu une déclaration d’opposition de la part de la Première Nation Acho Dene Koel. La déclaration a toutefois été retirée le 6 avril 2022. Quelques mois plus tard, le 23 septembre 2022, la Première Nation Liard a déposé une déclaration d’opposition au projet devant la Régie pour ensuite la retirer, le 21 novembre 2022. La Bande dénée Nahæâ Dehé écrit à la Régie le 26 octobre 2022 pour l’informer qu’elle ne participerait pas au processus de la Commission, mais plutôt à celui de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

Le 15 novembre 2022, la Commission a décidé de convoquer une audience pour examiner le projet et a rendu à cette fin l’ordonnance d’audience MH-004-2022. Malgré le retrait de la déclaration d’opposition de certaines Premières Nations, six communautés autochtonesFootnote 4 et une autorité fédérale se sont inscrites pour participer à l’audience en tant qu’intervenants. La Commission a par conséquent décidé de poursuivre son processus d’audience.

Le 29 décembre 2022, Westcoast a demandé à la Commission de reporter les étapes de l’examen préalable que menait l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, parce qu’elle s’attendait à déposer une demande modifiée concernant le projet et que les modifications prévoyaient des travaux devant être soumis aux exigences d’un examen préalable aux termes de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Le 28 février 2023, la Première Nation de Foothills a présenté une demande de statut d’intervenant tardif, statut que lui a accordé la Commission le 8 mars 2023 dans la décision sur requête no 2. Westcoast a plus tard confirmé que la Première Nation s’était retirée du processus d’audience le 24 juillet 2024.

En plus de Ressources naturelles Canada, les communautés autochtones suivantes se sont inscrites à titre d’intervenant (« Nations co-intervenantes ») :

  • Nation crie de Driftpile;
  • Tribu de Louis Bull;
  • Première Nation de Sucker Creek;
  • Première Nation de Whitefish Lake.

Westcoast a déposé une mise à jour sur le projet le 5 octobre 2023 et la Commission a relancé son processus d’audience le 3 avril 2024. La Commission a par la même occasion indiqué qu’elle n’effectuerait pas d’examen préalable, mais qu’après avoir pris connaissance de la décision préliminaire de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, elle adopterait cette décision ou s’y conformerait.

Le 27 octobre 2023, les Nations co-intervenantes ont déposé conjointement des commentaires sur l’examen préalable et les étapes d’audience possibles et ont demandé àla Commission de tenir un atelier d’une journée sur la contribution du projet aux effets cumulatifs. Le 3 avril 2024, la Commission a fait savoir qu’elle ne tiendrait pas d’atelier sur les effets cumulatifs et elle a fourni un calendrier des événements révisé pour les étapes restantes de l’instance. Elle a affirmé que le processus écrit pouvait entraîner une participation véritable et favoriser l’obtention des résultats souhaités par les Nations co-intervenantes. Celles-ci ont par la suite adressé des demandes de renseignements à Westcoast, déposé une preuve écrite et répondu aux demandes de renseignements adressées aux intervenants par la Commission. Aucun intervenant n’a déposé de plaidoirie finale. Le dossier de l’audience a été fermé le 12 septembre 2024 après le dépôt d’une lettre par Westcoast pour indiquer qu’elle ne déposerait pas de contre-plaidoirie finale.

4. Évaluation de la demande de Westcoast

4.1 Consultations de la Couronne auprès des peuples autochtones

4.1.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a affirmé que son programme de mobilisation des Autochtones et des parties prenantes est axé sur des relations communautaires et des discussions en amont et en continu. La société a demandé à la Régie une analyse préliminaire du territoire traditionnel pour le projet, qu’elle a reçue à l’été de 2020. Selon la liste établie, dix communautés et organisations autochtones ont été recensées comme ayant un territoire traditionnel connu ou revendiqué dans la zone du projet ou ayant manifesté l’intérêt de prendre part au projet. Westcoast leur a transmis des trousses d’information, ainsi qu’aux parties prenantes, entre le 25 août 2021 et le 5 novembre 2021. Comme l’exige la Commission, Westcoast a remis aux peuples autochtones une lettre de la Régie expliquant la démarche utilisée pour les consultations de la Couronne, dont la Régie, par l’entremise de la Commission, est le décideur ultime.

Westcoast a indiqué dans le résumé du programme de mobilisation fourni dans sa demande qu’elle continuerait de collaborer avec les communautés autochtones qui ont exprimé des préoccupations liées au site ou recensé des lieux d’intérêt pouvant nécessiter la prise de mesures d’atténuation pendant les activités de cessation d’exploitation. La société s’est engagée à discuter avec les peuples autochtones de l’intégration à la planification du projet, avant la mise en chantier, des connaissances ancestrales et des renseignements sur l’utilisation des terres et des ressources à des fins traditionnelles.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission est convaincue que les peuples autochtones susceptibles d’être touchés par le projet ont été consultés adéquatement et qu’ils ont eu la possibilité d’exprimer à Westcoast et directement à la Commission leurs préoccupations au sujet des effets éventuels sur les droits ancestraux et issus de traités. Grâce à l’analyse du territoire traditionnel, la Régie a recensé les communautés autochtones qui ont un territoire traditionnel connu ou revendiqué dans la zone du projet. La Commission juge que les activités de mobilisation et de consultation sont appropriées, compte tenu de l’envergure et de la portée du projet, des activités de mobilisation terminées et en cours de Westcoast, des consultations entreprises aux fins de l’audience et du processus d’évaluation de la Commission et des occasions en matière de consultation et de mobilisation offertes dans le cadre des processus nordiques.

La Commission a reçu une information suffisante pour évaluer les effets du projet sur les droits et les intérêts des peuples autochtones conformément à l’article 56 de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Elle a fondé son évaluation sur les renseignements versés au dossier de l’instance, dont la demande, l’évaluation environnementale et socioéconomique, les énoncés de préoccupations, les éléments de preuve déposés par les Nations co-intervenantes et la réponse de Westcoast aux préoccupations.

La Commission souligne l’intérêt continu des peuples autochtones locaux et des Nations co-intervenantes à l’égard des activités de cessation d’exploitation, de la surveillance des travaux de construction et de la surveillance environnementale post-construction. Consciente de l’importance de faire participer les peuples autochtones au projet, elle rappelle à Westcoast qu’il est inestimable pour la société d’établir des relations solides avec eux et de les maintenir tout au long du cycle de vie du projet. Par conséquent, et compte tenu de l’engagement de Westcoast à poursuivre la mobilisation des peuples autochtones susceptibles d’être touchés, la Commission impose la condition 7 relativement à la mobilisation des peuples autochtones. Cette condition exige que Westcoast dépose devant la Régie, au moins 30 jours avant le début des activités de cessation d’exploitation, un résumé à jour des activités de mobilisation menées depuis le 28 mai 2024 auprès de toutes les communautés autochtones susceptibles d’être touchées par le projet. Le résumé doit comprendre de l’information sur les préoccupations et les commentaires exprimés par les communautés et organisations autochtones, ainsi que sur la façon dont Westcoast entend résoudre celles qui n’ont pas encore été résolues. La Commission impose également la condition 11 concernant la mobilisation des peuples autochtones. Cette condition exige que Westcoast fournisse des résumés à jour des activités de mobilisation tenues après le dépôt des documents exigés par la condition 7 jusqu’à la fin des activités de cessation d’exploitation et, par la suite, au plus tard le 31 janvier suivant les première, troisième, cinquième et septième saisons de croissance complètes après le nettoyage final et la remise en état.

4.2 Questions relatives aux peuples autochtones

4.2.1 Point de vue des participants

La Nation crie de Driftpile, la Première Nation de Sucker Creek et la Première Nation de Whitefish Lake (Atikameg) sont signataires du Traité no 8. Leurs territoires traditionnels connus ou revendiqués sont situés dans le centre-nord de l’Alberta, où se trouvent le Petit lac des Esclaves et le bassin hydrographique environnant. Signataire du Traité no 6, la Tribu de Louis Bull a un territoire traditionnel connu ou revendiqué dans le centre-nord-est de l’Alberta. L’empreinte du site de la cessation d’exploitation proposée ne chevauche pas ces territoires traditionnels. Les Nations co-intervenantes ont toutefois expliqué qu’elles sortent de leurs territoires ancestraux pour pratiquer des activités traditionnelles et assurer leur subsistance culturelle et qu’elles se rendent notamment sur des terres visées par le Traité no 8.

Dans leurs commentaires communs sur l’examen préalable et les étapes possibles de l’audience, elles ont souligné que leur participation à l’audience vise à assurer une surveillance importante de l’examen du projet par la Commission. Elles ont dit être plus particulièrement préoccupées par la possibilité que le projet ne contribue aux effets cumulatifs sur les terres visées par le Traité no 8. Elles ont souligné que leur intention n’était pas de minimiser ou de miner la voix, les intérêts ou les compétences des autres nations autochtones qui pourraient être plus directement touchées par le projet. Elles espèrent plutôt contribuer à l’accroissement du rôle et de l’incidence des perspectives autochtones dans l’examen des demandes de réglementation, comme les demandes de cessation d’exploitation de l’infrastructure énergétique, qui offrent en fait une dernière occasion de veiller à ce que les terrains et les cours d’eau touchés par un projet soient protégés et remis en état comme il se doit.

Au sujet de l’examen préalable et de la question de savoir s’il y a lieu de soumettre le projet à une évaluation environnementale plus poussée au titre de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, les Nations co-intervenantes :

  • ont exprimé des préoccupations au sujet des méthodes de cessation d’exploitation;
  • ont souligné les risques associés à l’abandon sur place;
  • ont traité des mesures d’atténuation et des risques liés au projet;
  • ont conclu en se disant préoccupées par le fait que le demandeur n’a pas encore démontré que le projet ne pose pas de risque important de dommages à l’environnement et qu’aucune mesure d’atténuation n’est nécessaire.

Bon nombre de ces préoccupations sont abordées dans un rapport intitulé Pointed Mountain Cumulative Effects Review [examen des effets cumulatifs du gazoduc Pointed Mountain], rédigé par Solstice Environmental Management (« rapport de Solstice »), que chaque Nation co-intervenante a déposé en preuve et dont il est question à la section 4.5 – Environnement.

Les Nations co-intervenantes ont adressé des demandes de renseignements à Westcoast au sujet des questions précises qu’elles ont soulevées dans le rapport Solstice, notamment du risque de renardage pouvant découler de l’abandon sur place de la conduite, de la remise en état de la végétation et des effets sur les arbres culturellement modifiés. Le contenu de leurs demandes et des affidavits à l’appui est résumé ci-après.

  • Karl Giroux, de la Nation crie de Driftpile, a déclaré que les membres de la Nation veulent avoir la possibilité de surveiller le projet aux étapes de la mise en œuvre et aux étapes suivantes pour s’assurer qu’il ne contribue pas aux effets cumulatifs sur leurs droits. La Nation crie de Driftpile veut participer à tout projet qui se déroule sur des terres visées par le Traité no 8 afin de s’assurer que les générations futures pourront continuer à exercer leurs droits et que sa voix y soit entendue et respectée.
  • Jonathan Wright, de la Première Nation de Sucker Creek, a expliqué les préoccupations des membres de la Première Nation en ce qui concerne la protection des arbres culturellement modifiés sur les terres visées par le Traité n o 8. Les arbres culturellement modifiés revêtent une grande importance pour la Première Nation de Sucker Creek, qui tient à être consultée tout au long des étapes de surveillance de la mise en œuvre du projet et aux étapes suivantes, afin de ne pas les perdre. Il a ajouté qu’il craignait que le projet ne limite les droits des membres de la Première Nation de chasser l’orignal et le bison et de pêcher près de la zone du projet dans le nord de la Colombie-Britannique.
  • Shaleigh Raine, de la Tribu de Louis Bull, a expliqué que les valeurs des membres de la Tribu sont axées sur la médecine. Elle croit que l’industrie a eu des effets cumulatifs importants sur leurs plantes médicinales. Elle a déclaré ce qui suit : « [traduction libre] Nos aînés nous disent qu’on ne peut pas avoir des terres propres qui produisent des plantes médicinales à moins qu’elles ne soient entièrement restaurées, pour les ramener à l’état où elles se trouvaient avant le pipeline. Pour nous, s’il y a une conduite dans le sol, la zone est impropre à l’utilisation et nous jugeons qu’elle n’a pas été remise en état. »
  • Fabian Grey, de la Première Nation de Whitefish Lake (Atikameg), a déclaré que les membres de la Première Nation « [traduction libre] récoltent des plantes dans les montagnes et près des cours d’eau, mais que le sol est contaminé à cause des pipelines, et même de l’emprise, puisque les loups l’utilisent comme route. Cela a des répercussions sur les animaux de la région. » Selon lui, il faudrait de cinq à dix ans pour que les plantes traditionnelles reviennent dans la zone du projet. De plus, le plan de revégétalisation devra aussi tenir compte du problème des plantes envahissantes.

4.2.2 Point de vue de Westcoast

Westcoast a reconnu que le projet pourrait avoir un effet défavorable sur les droits et intérêts des peuples autochtones. La société a toutefois fait valoir que la mise en œuvre des mesures d’atténuation prévues et du plan de protection de l’environnement (« PPE ») propre au projet ferait en sorte que les effets sur les activités et les sites d’utilisation des terres et des ressources à des fins traditionnelles dans la zone du projet soient de faible ampleur et peu importants. Elle a ajouté qu’une fois terminées les activités concrètes de cessation d’exploitation, le projet pourrait avoir une incidence positive sur les droits et les intérêts des Autochtones. Elle a souligné que les servitudes s’ajouteraient aux terres publiques et que la végétation indigène pourrait se rétablir sur les terres.

Pour donner suite aux préoccupations particulières soulevées par les Nations cointervenantes, Westcoast a précisé qu’elle avait rencontré la Nation crie de Driftpile pour prendre note de ses intérêts et préoccupations et s’assurer d’en tenir compte dans le PPE du projet. La société a expliqué dans sa preuve qu’elle travaille avec les peuples autochtones locaux pour s’assurer qu’un mécanisme de surveillance sera en place et qu’elle avait offert à la Nation crie de Driftpile une aide financière pour qu’elle soit en mesure de faire une étude théorique de l’utilisation des terres et des ressources à des fins traditionnelles, mais que son offre avait été refusée. Compte tenu du désir de la Nation crie de Driftpile de surveiller la réalisation du projet, Westcoast a indiqué que cette aide financière pourrait servir à l’examen des rapports et qu’elle pourrait rencontrer les surveillants autochtones locaux.

Westcoast a affirmé qu’elle reconnaît l’importance des arbres culturellement modifiés pour les peuples autochtones et qu’elle tient à ce que la Première Nation de Sucker Creek puisse continuer d’exercer ses droits. La société a de nouveau fait référence au PPE, où il est indiqué que les arbres culturellement modifiés recensés à proximité du site du projet seront marqués afin de les éviter. Des panneaux seront installés et une surveillance sera faite pendant les activités de cessation d’exploitation. Elle a offert à la Première Nation de Sucker Creek, et l’offre tient toujours, de faire un examen théorique du projet ou de surveiller le projet par l’entremise des peuples autochtones locaux, qui assureront une surveillance pendant toute la durée du projet. Elle a expliqué que les surveillants veilleraient à ce que les arbres culturellement modifiés soient recensés correctement et protégés adéquatement. La Première Nation de Sucker Creek est invitée à préciser l’emplacement des arbres culturellement modifiés qui se trouvent dans l’empreinte du projet et qui n’ont pas été recensés précédemment afin qu’ils puissent être protégés.

En ce qui concerne les questions et préoccupations soulevées par la Tribu de Louis Bull, Westcoast a déclaré qu’elle mène des activités de mobilisation continue auprès des peuples autochtones, afin de limiter le plus possible les perturbations du sol et de mettre en œuvre la meilleure approche pour contrer les répercussions environnementales des activités de cessation d’exploitation. Elle a souligné, puisque les peuples autochtones locaux avaient indiqué que ces questions étaient hautement prioritaires, que la méthode employée pour le projet tient compte de ces préoccupations. Westcoast a fait référence à son PPE et au plan de revégétalisation qui fera partie de ses travaux de cessation d’exploitation, ainsi qu’à ses activités de mobilisation auprès des peuples autochtones locaux en vue de l’élaboration d’un plan visant à réduire le plus possible ou à éviter les espèces envahissantes et à utiliser des plantes et débris ligneux adéquats pour assurer une revégétalisation réussie.

Pour répondre aux préoccupations de la Première Nation de Whitefish Lake (Atikameg) au sujet de la contamination du sol et du délai de repousse de la végétation sur l’emprise, Westcoast a expliqué que la cessation d’exploitation comprend le traitement ou l’enlèvement de tous les sols contaminés connus. La société a fait référence aux plans de revégétalisation élaborés avec l’apport des peuples autochtones locaux et ajouté que la régénération naturelle est la méthode privilégiée pour assurer le retour des plantes indigènes et traditionnelles dans la zone du projet. Elle effectuera une surveillance environnementale post-construction pour s’assurer que la régénération de la végétation atteint une capacité équivalente à celle des terres adjacentes et invitera les peuples autochtones locaux à participer au programme de surveillance environnementale post-construction.

Le PPE documente en outre des mesures d’atténuation précises, notamment la participation des peuples autochtones en ce qui a trait aux plans de revégétalisation, aux arbres culturellement modifiés, aux besoins en matière d’accès et liés à l’emprise ainsi qu’aux ressources historiques. Dans sa preuve, Westcoast a résumé les résultats des rencontres en personne avec les représentants de chacune des Nations co-intervenantes. Elle a affirmé comprendre leur intérêt envers la zone du projet et leurs préoccupations au sujet des effets cumulatifs éventuels et a réitéré les mesures d’atténuation proposées. La société a fait valoir que le pipeline existant et les installations connexes n’ont pas empêché les membres des Nations co-intervenantes de se rendre dans la zone du projet pour leurs activités de chasse, de pêche et de cueillette. Elle a aussi fait remarquer que les Nations co-intervenantes n’ont relevé aucun effet potentiel sur des droits ancestraux ni précisé d’endroit où des effets particuliers n’ont pas déjà été signalés par des Nations locales et abordés dans l’évaluation environnementale et socioéconomique.

Le reste de la contre-preuve de Westcoast portait sur le rapport de Solstice sur les méthodes de cessation d’exploitation et d’atténuation que les Nations co-intervenantes ont déposé. Westcoast a également déposé deux lettres d’appui de Premières Nations dont les terres traditionnelles sont directement traversées par l’empreinte du projet de cessation d’exploitation, soit la Première Nation de Fort Nelson et la Bande dénée Nahæâ Dehé.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge que les effets du projet sur les droits et intérêts des peuples autochtones sont peu graves et peuvent être contrés ou atténués efficacement. Elle juge en outre que la délivrance d’une ordonnance de cessation d’exploitation en vertu de l’article 241 de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie respecte les exigences de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et assure l’honneur de la Couronne.

Westcoast a donné suite comme il se doit aux questions et préoccupations soulevées par les Nations co-intervenantes au sujet du projet, dont les questions et demandes précises mentionnées dans les affidavits.

La Commission a examiné le PPE de Westcoast et son engagement à le mettre à jour, ainsi que les mesures d’atténuation proposées pour réduire le plus possible ou éliminer les effets éventuels du projet sur les droits et les intérêts des peuples autochtones. Elle souligne que les activités du projet se dérouleront sur des terres déjà perturbées. Elle a aussi examiné les évaluations environnementales et socioéconomiques initiale et supplémentaire faites par Westcoast, qui reconnaissent toutes deux que le site du projet se trouve dans un secteur de grande utilisation des terres et des ressources à des fins traditionnelles, le potentiel de régénération des terres et des ressources pour les ramener à un état plus naturel et le fait que les Nations co-intervenantes poursuivent leurs activités de chasse, de cueillette et de pêche dans la zone du projet. Il semble peu probable que l’abandon sur place ait une incidence sur ces activités.

La Commission est également satisfaite de la façon dont Westcoast a mobilisé les peuples autochtones locaux pour les amener à participer à la surveillance de la construction et postconstruction, afin de s’assurer que les questions et préoccupations des peuples autochtones sont résolues. La Commission prend acte de l’offre de Westcoast de faciliter un échange d’information entre les Premières Nations locales et les Premières Nations co-intervenantes, qui contribue à cerner et à résoudre les problèmes et les préoccupations.

4.3 Caractère approprié des méthodes de cessation d’exploitation

4.3.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a indiqué avoir tenu compte de la sécurité, des effets environnementaux éventuels et de l’utilisation actuelle et potentielle à l’avenir des terres pour établir la méthode de cessation d’exploitation. Westcoast a décidé d’enlever l’infrastructure hors sol qui est connexe au pipeline, jusqu’à la profondeur de celui-ci, et d’abandonner sur place toute conduite enfouie, telle qu’un franchissement de cours d’eau ou de route. Westcoast a déterminé que l’abandon sur place est la méthode la plus appropriée, parce que les perturbations environnementales qui seraient causées par les travaux d’excavation et d’élimination du pipeline seraient beaucoup plus importantes - et injustifiées - pour une région aussi éloignée, constituée de terres publiques et privées principalement boisées et inhabitées. Pour retirer de la terre une conduite enfouie, il faudrait perturber la végétation et les arbustes qui ont poussé sur l’emprise pipelinière et, peut-être, l’habitat du caribou et d’autres espèces animales. La société a par ailleurs signalé que cette méthode est conforme à l’hypothèse du scénario de référence du volet 3 de l’Initiative de consultation relative aux questions foncières de l’Office national de l’énergie (aujourd’hui la Régie) pour les conduites de petit diamètre dans des zones non aménagées.

Westcoast a affirmé que la protection cathodique ne sera plus assurée sur la conduite abandonnée sur place. Par conséquent, les bornes d’essai et le câblage d’anode qui sont accessibles seront retirés de la terre, jusqu’à la profondeur du pipeline. La société a expliqué que le processus de corrosion de la tuyauterie abandonnée sur place serait localisé et prendrait des centaines, voire des milliers d’années. En ce qui concerne la tuyauterie de diamètre moyen, l’affaissement du sol est considéré comme tolérable, même en cas d’effondrement complet du pipeline. Pour cette raison, Westcoast a conclu qu’aucune mesure particulière n’était nécessaire pour les franchissements de route. Aucun franchissement de voie ferrée n’est visé par le projet. Westcoast a aussi étudié la question de savoir s’il était nécessaire de segmenter la conduite pour éviter le transport indésirable des eaux souterraines d’un bassin hydrographique à un autre. Puisque le pipeline ne traverse aucune limite de bassin hydrographique, il a été jugé inutile de segmenter davantage la conduite.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge que les méthodes de cessation d’exploitation de Westcoast sont appropriées. Elle a pris en considération, entre autres facteur, la sécurité, les effets environnementaux éventuels et l’utilisation actuelle et future des terres. Elle est d’avis que les mesures d’isolement et de segmentation du pipeline proposées par Westcoast sont appropriées pour réduire les effets suivants :

  • le risque de renardage;
  • l’affaissement du sol en raison du diamètre de la conduite;
  • le risque de mise à nu de la conduite.

La Commission souligne que Westcoast s’est engagée à assurer une surveillance à long terme de l’emprise ainsi qu’à régler toute question en lien avec l’abandon sur place de la conduite. Elle juge qu’il est approprié, dans le cadre du projet, d’enlever l’infrastructure hors sol qui est connexe au pipeline, jusqu’à la profondeur de celui-ci, et d’abandonner sur place toute conduite enfouie, telle qu’un franchissement de cours d’eau ou de route. La section 4.5 - Environnement traite du potentiel de renardage, d’affaissement du sol et de mise à nu de la conduite.

4.4 Questions techniques

4.4.1 Activités de cessation d’exploitation

4.4.1.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a déclaré que les activités proposées seront menées conformément à l’article 10.16.2 de la norme CSA Z662-23, intitulée Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission est convaincue que la cessation d’exploitation a été conçue conformément aux exigences de la norme CSA Z662-23, intitulée Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz. Cette norme assure la sécurité et la protection de l’environnement en ce qui concerne les réseaux d’oléoducs et de gazoducs et elle constitue le minimum exigé dans l’industrie. Les activités de cessation d’exploitation respecteront elles aussi cette norme.

4.4.2 Protection cathodique et demande d’exemption

4.4.2.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a affirmé que la protection cathodique ne sera plus assurée sur la conduite abandonnée sur place. Pour surveiller et tester son système de protection cathodique, Westcoast a installé 22 bornes d’essai à divers points le long de la conduite. Six de ces bornes sont devenues inaccessibles depuis la désactivation du pipeline, en 2016, du fait de la croissance de la végétation. Les bornes d’essai et le câblage d’anode qui sont accessibles seront retirés de la terre, jusqu’à la profondeur du pipeline. Les lits d’anode seront abandonnés sur place et soumis au processus de corrosion naturelle, ce qui permettra d’éviter les perturbations environnementales inutiles qui découleraient de leur enlèvement.

Pour éviter le défrichage, les perturbations environnementales et la tenue des travaux nécessaires à la construction d’un chemin d’accès, Westcoast a demandé à être soustraite à l’application de l’alinéa 4(1)d) du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres (DORS/99-294), en ce qui a trait aux exigences de l’article 10.16.3 de la norme CSA Z662-23 et à son applicabilité aux six bornes d’essai dont l’abandon sur place est proposé.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission est satisfaite des raisons données par Westcoast pour justifier l’absence de protection cathodique après les travaux. En effet, continuer d’assurer la protection cathodique d’un pipeline abandonné sur place présente des enjeux techniques et ne contribue pas vraiment à préserver l’intégrité de la conduite. La Commission est par ailleurs satisfaite de la démarche de la société en ce qui concerne l’enlèvement des composantes de protection cathodique accessibles, conformément aux exigences de la norme CSA Z662-23, qui exige l’enlèvement de toutes les installations en surface.

La majorité de la Commission rejette la demande de Westcoast pour être exemptée de l’application de l’alinéa 4(1)d) du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres en ce qui a trait aux exigences de l’article 10.16.3 de la norme CSA Z662-23 et aux six bornes d’essai dont l’abandon sur place est proposé. Selon la majorité, Westcoast n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve et d’explications pour justifier sa demande et elle ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’une exemption devrait lui être accordée.

Westcoast n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve sur les questions techniques ni d’analyses pour appuyer sa demande d’exemption. En effet, la société n’a fourni aucune évaluation détaillée pour démontrer que le fait de laisser les bornes d’essai en place poserait un risque technique. Elle a plutôt démontré qu’il n’y a pas de risques supplémentaires sur le plan technique à enlever les installations en surface.

Suivant le chapitre 9 et l’article 10.5 de la norme CSA Z662-23, la société est tenue d’assurer le contrôle de la corrosion, ce qui exige qu’elle vérifie à intervalles réguliers le bon fonctionnement de son système de protection cathodique et qu’elle effectue des vérifications pour s’assurer que la protection cathodique de son réseau de canalisations répond aux critères retenus pour ce genre de protection. La conformité à la norme CSA Z662-23 vise, entre autres, à assurer la sécurité et l’intégrité des pipelines. La majorité de la Commission est d’avis qu’accorder une exemption des exigences du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres et des normes du Groupe CSA sans éléments de preuve à l’appui pourrait être interprété comme une dérogation aux principes susmentionnés et, par conséquent, être injustifié en l’espèce.

Le gazoduc est désactivé depuis 2016. La majorité de la Commission constate que, depuis la désactivation, Westcoast n’a effectué que des patrouilles aériennes. La majorité de la Commission estime que, si des études sur le terrain avaient été faites à intervalles réguliers, la végétation n’aurait pas poussé de manière à rendre inaccessibles les six bornes d’essai. Elle n’accepte pas qu’une gestion insuffisante de la repousse constitue des faits ou des circonstances extraordinaires pouvant justifier une exemption des exigences du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres ou des normes du Groupe CSA. Elle est d’avis que la société n’a pas établi dans sa demande et dans la preuve déposée en réponse aux demandes de renseignements, que les effets environnementaux et les considérations liées à la sécurité sont, en l’espèce, anormaux, inhabituels ou uniques au point que la mesure demandée devrait être accordée.

La majorité de la Commission s’attend à ce que, comme ce sera le cas pour les travaux d’enlèvement des 16 bornes d’essai, les activités de cessation d’exploitation des six bornes qui seront abandonnées sur place seront effectuées conformément aux exigences applicables du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres et aux normes du Groupe CSA, d’une manière sécuritaire qui réduit le plus possible les effets sur l’environnement. La Commission souligne d’ailleurs que la décision est rendue sans préjudice du droit de Westcoast de présenter, pour les six bornes d’essai, une nouvelle demande d’exemption qui tiendrait compte des motifs exposés aux présentes.

Il importe toutefois de signaler que la minorité de la Commission aurait accordé l’exemption demandée relativement aux six bornes d’essai. Bien que la minorité soit d’accord pour dire que toutes les sociétés doivent entretenir les pipelines désactivés conformément aux exigences réglementaires applicables, le programme de surveillance de Westcoast, y compris tout problème de conformité connexe, n’est pas la question dont la Commission est saisie aux présentes. La société a établi, dans sa demande et la preuve déposée en réponse aux demandes de renseignements, que l’enlèvement des six bornes d’essai causerait des effets environnementaux supplémentaires et susciterait des considérations de sécurité en raison de difficultés liées à l’accès. La préfaceFootnote 5 de la norme du Groupe CSA prévoit des exceptions lorsque les circonstances le justifient. La minorité de la Commission est d’avis que l’emplacement des bornes par rapport aux autres activités de cessation d’exploitation, les contraintes liées à la construction et les risques pour la sécurité, tout particulièrement les effets environnementaux uniques au lieu, justifient l’exemption demandée.

La minorité de la Commission souligne que bien que la décision de rejeter la demande d’exemption est sans préjudice du droit de Westcoast de déposer une nouvelle demande à cette fin, la société pourrait tout simplement décider de procéder au défrichage et construire des chemins pour accéder aux six bornes d’essai afin de les enlever, ce qui entraînerait des perturbations environnementales et présenterait des risques qui pourraient être évités si l’exemption demandée était accordée. Il s’agirait de perturbations environnementales, telles que la construction d’autres franchissements de milieu humide et de cours d’eau, la tenue d’activités de débroussaillage et la formation de glace sur plus de 10 km de l’emprise, dans une zone du projet autrement inaccessible. De l’avis de la minorité, de telles perturbations environnementales, prises en compte dans le contexte de la préface et de l’intention de la norme du Groupe CSA, feraient pencher la balance et justifieraient une exemption en l’espèce.

4.5 Environnement

Les sous-sections qui suivent traitent des préoccupations soulevées par les Nations cointervenantes et des effets éventuels du projet, tels que le renardage, la mise à nu de la conduite dans ou près des cours d’eau, la faune et l’habitat faunique, la contamination du sol et l’affaissement du sol.

4.5.1 Renardage

4.5.1.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a affirmé que le renardage peut faire dévier les eaux de surface ou les eaux souterraines peu profondes à l’échelle locale et avoir une incidence sur l’alimentation des plans d’eau, en surface, et des ressources en eaux souterraines, en profondeur. Pour prévenir le renardage, Westcoast prévoit segmenter (couper et obturer) le pipeline à plusieurs endroits le long de l’emprise. Si un renard hydraulique se forme le long de la conduite abandonnée sur place, l’obstacle physique que constituera la segmentation, combiné à la topographie naturelle de la zone, ne permettra pas le déplacement d’une quantité d’eau suffisante pour réduire l’alimentation des formations aquifères ou pour avoir une incidence sur la qualité de l’eau ou la quantité d’eau. La segmentation consistera à enlever la conduite et à obturer le gazoduc Pointed Mountain aux coordonnées PM-3, PM4A, PM-7, PM-7A et à se servir des élévations du relief pour empêcher l’écoulement d’eau de se déplacer de l’autre côté de l’élévation sans pression positive. Comme le pipeline suit les contours du terrain, l’eau à l’intérieur du pipeline ne s’écoulerait que jusqu’à ce qu’elle atteigne une élévation. Ainsi, le gazoduc de 56 km sera segmenté en au moins 15 tronçons d’une longueur maximale de 7,85 km.

Westcoast a également évalué le potentiel d’effet siphon dans la conduite abandonnée sur place. La société a déterminé que le potentiel d’effet siphon était extrêmement faible, car il faudrait une impulsion initiale, donnée par une pompe ou une force d’aspiration, pour créer dans la conduite abandonnée sur place une circulation d’eau suffisante pour surmonter les élévations et vaincre la friction interne.

Westcoast a expliqué que remplir certaines parties de la conduite de matériaux inertes, comme l’ont suggéré les Nations co-intervenantes dans le rapport de Solstice (dont il est question plus loin), aurait probablement une incidence plus grande sur l’environnement que le plan de segmentation proposé. Il faudrait en effet qu’elle creuse à d’autres endroits le long de la conduite, afin d’y avoir accès pour injecter les matériaux. Les travaux de creusage entraîneraient des perturbations supplémentaires du sol et de la végétation. Westcoast devrait en outre, pour utiliser des matériaux inertes, tels que du sable, du mort-terrain et de la roche, ainsi qu’un liant, comme le recommande le rapport de Solstice, exécuter d’autres travaux de recensement, d’excavation et de transport de matériaux pour le projet. Cela ferait augmenter considérablement les effets environnementaux en plus de retarder la remise en état et la revégétalisation. Pour les peuples autochtones locaux, la réduction maximale des perturbations du sol a toujours été une priorité élevée, priorité dont tient compte la méthode proposée pour la réalisation du projet.

Westcoast a affirmé qu’il est pratique courante dans l’industrie de couper et d’obturer les pipelines, car cela est efficace pour prévenir le renardage. La société a étudié les caractéristiques à risque et les caractéristiques pouvant se trouver en aval et elle est d’avis que le potentiel de renardage ou d’affaissement de la conduite ne justifie pas de segmentation supplémentaire ou de remplissage de la conduite.

Westcoast est consciente que la surveillance ne peut empêcher certains problèmes imprévus de se poser à l’avenir et que c’est la raison pour laquelle la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie exige que les sociétés demeurent responsables des pipelines abandonnés sur place. Une fois son programme de surveillance post-construction terminé, Westcoast prendra les mesures nécessaires pour régler tout problème imprévu qui se posera. À cette fin, elle tiendra compte des pratiques exemplaires de l’industrie et des conditions propres au site et se conformera aux exigences de la Régie.

4.5.1.2 Point de vue des participants

Dans le rapport de Solstice, les Nations co-intervenantes ont exprimé des préoccupations au sujet des mesures d’atténuation proposées par Westcoast pour prévenir le renardage. Selon elles, il est préoccupant que le potentiel de renardage soit inconnu, car elles accordent une grande valeur aux ressources en eau, compte tenu, surtout, des changements climatiques et du réchauffement accéléré dans le Nord canadien.

Les Nations co-intervenantes se sont dites préoccupées par l’affirmation que tout renardage potentiel n’aurait qu’une incidence négligeable sur la qualité de l’eau et la quantité d’eau. Pour justifier son affirmation et invalider ces préoccupations, Westcoast a fait valoir des contraintes topographiques (points d’élévation du relief) et le fait que la conduite pourrait résister à la corrosion car elle conserverait son intégrité. Les Nations co-intervenantes ont soutenu que couper et obturer le gazoduc à des endroits stratégiques, plutôt qu’à intervalles réguliers, pourrait présenter un risque de renardage quand la conduite commencera à se corroder, car l’eau pourrait circuler et, peut-être, transporter des contaminants. Le potentiel de mise à nu progressive dans les milieux humides, en raison de la flottabilité de la conduite, ou dans les zones de pergélisol pourrait entraîner des changements dans l’élévation du relief, voire l’inverser, ce qui pourrait accroître le renardage.

Les Nations co-intervenantes ont ajouté qu’il faudrait envisager la possibilité que les tronçons ne créent un effet siphon une fois que la conduite sera corrodée. Un effet siphon pourrait donner à l’eau l’impulsion nécessaire pour surmonter les points d’élévation, ce qui aurait une incidence sur les ressources en eau et les épuiserait encore davantage. Les Nations co-intervenantes ont recommandé à la société de remplir la conduite abandonnée sur place de matériaux inertes (avec une sorte de pâte, par exemple) afin de réduire les effets cumulatifs. Comme la pâte en question pourrait être faite au moyen d’ingrédients locaux se trouvant sur le site de la cessation d’exploitation, il ne serait pas nécessaire d’envoyer des camions malaxeurs dans des régions éloignées. Le recours à des matériaux inertes pour remplir le pipeline réduirait les préoccupations relatives au renardage, à la flottabilité de la conduite et au transport de contaminants potentiels.

Analyse et constatations de la Commission

En ce qui concerne la segmentation de la conduite, la Commission juge que la méthode proposée par Westcoast est appropriée pour le projet. Elle est d’avis que, grâce à la mise en œuvre du plan de segmentation et du plan de surveillance à long terme que propose Westcoast, les effets environnementaux négatifs éventuels liés au renardage seraient peu importants et que la contribution de ces effets aux effets cumulatifs serait négligeable.

Westcoast a indiqué que le pipeline serait segmenté en 15 tronçons : par coupe et obturation pour les segments se trouvant dans les limites des quatre sites visés par les activités concrètes et en fonction des points d’élévation de la topographie naturelle pour les autres segments. La Commission souligne que la méthode de segmentation proposée par Westcoast correspond à celle utilisée pour d’autres projets de cessation d’exploitation et juge que la segmentation de la conduite préviendra le déplacement d’eau et toute contamination résiduelle attribuable à un renardage plus important que local. Elle souligne en outre que Westcoast s’est engagée à assurer une surveillance à long terme de l’emprise ainsi qu’à régler toute question en lien avec l’abandon sur place de la conduite.

La Commission est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de remplir la conduite, car les travaux d’excavation requis pour obtenir les matériaux inertes et pour accéder à d’autres points de la conduite afin de les injecter entraîneraient des perturbations environnementales importantes et injustifiées le long de l’emprise. Pour remplir la conduite, il faudrait que les matériaux inertes soient soit excavés sur place, soit transportés par camion jusqu’aux sites. Il faudrait aussi des points d’accès supplémentaires le long du pipeline. Davantage de travaux de défrichage et d’excavation seraient requis pour atteindre le pipeline afin d’y injecter les matériaux inertes. Il faudrait par ailleurs exécuter de plus amples travaux de débroussaillage et, selon le cas, utiliser un volume d’eau accru pour construire les ponts de glace. Les travaux de débroussaillage pourraient avoir une incidence sur plusieurs espèces sauvages ou en péril. Dans le cas d’un pipeline abandonné sur place, il est peu probable qu’il y ait renardage à court terme; le cas échéant, le phénomène prendrait des dizaines d’années à se développer. Quoi qu’il en soit, même s’il y avait renardage dans la conduite abandonnée sur place, les effets seraient limités au tronçon en question.

4.5.2 Mise à nu de la conduite dans des cours d’eau

4.5.2.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a indiqué qu’aucun nouveau chemin d’accès n’était requis pour le projet, car elle accèdera aux sites des travaux par des chemins d’accès hivernaux et des chemins temporaires situés le long de l’emprise du gazoduc Pointed Mountain grâce à des ponts de glace sur les rivières Petitot, North Liard, Kotaneelee, La Biche et Liard. Le débroussaillage de l’emprise du gazoduc Pointed Mountain et du chemin d’accès temporaire sera nécessaire, mais il sera circonscrit aux seuls endroits où il sera requis pour donner un accès sécuritaire aux lieux des travaux et permettre la réalisation de ceux-ci. L’exécution des travaux en hiver protègera la structure racinaire et les banques de semences le long de l’emprise et devrait permettre une régénération relativement rapide de la végétation. La construction des ponts de glace n’exigera aucun débroussaillage, outre ce qui est déjà prévu. Westcoast s’est engagée à prendre les mesures applicables du Code de pratique : Ponts de glace et remblais de neige de Pêches et Océans Canada (« MPO ») de 2023 pour protéger les zones riveraines.

Westcoast a indiqué que la conduite à nu sera enlevée à l’emplacement de deux cours d’eau (WC-27A et WC-36) en la coupant bien au-dessus de la ligne naturelle des hautes eaux de chaque côté des cours d’eau et en la tirant depuis les rives. S’il s’avérait impossible d’extraire la conduite de cette manière, il pourrait être nécessaire de mener des travaux dans les cours d’eau. Cette possibilité est mentionnée comme solution de rechange dans la demande. On y aurait recours s’il fallait faire des travaux d’excavation autour de la conduite dans les cours d’eau ou détourner ceux-ci en cas d’affaissement.

L’omble à tête plate (population de l’ouest de l’Arctique), espèce préoccupante inscrite à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril fédérale, pourrait être présente dans les cours d’eau WC-27A et WC-36. Les études sur le terrain réalisées par la société n’ont révélé aucun habitat de frai automnal et uniquement un habitat du poisson marginal à inapproprié dans les secteurs des cours d’eau étudiés. Aucun poisson n’a été capturé dans le cours d’eau WC-27A et seul un petit nombre l’a été dans le cours d’eau WC-36. Puisque Westcoast projette de réaliser les travaux en hiver, elle croit que ces cours d’eau pourraient être complètement gelés à ce moment. Si ce n’est pas le cas et que l’eau coule toujours, elle s’est engagée faire appel aux services de biologistes de la vie aquatique qualifiés pour récupérer les poissons et réduire la mortalité pouvant être causée par les travaux dans le cours d’eau. Selon Westcoast, toute l’opération d’enlèvement de la conduite devrait prendre au plus 14 jours à chaque endroit. Si des travaux dans les cours d’eau sont nécessaires pour retirer la conduite, ils devraient être réalisés en une journée au plus. Westcoast a indiqué que, grâce aux mesures d’atténuation prévues pour le projet, les travaux proposés ne devraient pas avoir d’effets négatifs sur l’omble à tête plate de l’ouest de l’Arctique.

Westcoast a relevé un gros barrage de castors dans le cours d’eau WC-36, qui pourrait compliquer les travaux envisagés. De nombreux barrages occupés ont été recensés dans tout le secteur du cours d’eau étudié. La société a mentionné que le barrage de castors est construit au-dessus de la conduite et que son démantèlement pourrait poser un risque pour le franchissement donnant accès au site des travaux s’il est enlevé après la conduite elle-même. Le fort débit d’eau et le couvert complexe de débris de bois exigeront vraisemblablement des efforts supplémentaires de récupération de poissons.

S’agissant du démantèlement du barrage, Westcoast s’est engagée à prendre les mesures applicables du Code de pratique : Ouverture et démantèlement de barrages de castors du MPO et à respecter les éventuelles conditions qui pourraient être rattachées au permis délivré aux termes de la Loi sur la faune (Yukon). Avant et pendant les travaux de démantèlement du barrage de castors, Westcoast aurait sur les lieux un professionnel qualifié qui surveillerait la qualité de l’eau, dont sa température, les sédiments en suspension et les niveaux d’oxygène dissous dans la ou les zones de retenue et l’habitat en aval. Elle a indiqué que cette opération se ferait graduellement, de manière à permettre une augmentation contrôlée du débit d’eau et ainsi limiter la mise en suspension de sédiments et toute incidence éventuelle sur la qualité de l’eau.

Westcoast a expliqué que le démantèlement du barrage de castors faciliterait la communication entre l’habitat en amont et celui en aval et éliminerait un obstacle à la migration du poisson. L’enlèvement de la section de la conduite à nu rendra aussi plus faciles les déplacements du poisson. La société s’est engagée à disposer d’une équipe sur les lieux pour capturer les poissons qui se trouveraient isolés durant l’enlèvement de la conduite et les relocaliser. Elle a affirmé qu’elle assurera une surveillance à long terme de l’emprise et s’occupera comme il se doit de toute nouvelle mise à nu de la conduite à d’autres franchissements de cours d’eau, s’il y en a.

4.5.2.2 Points de vue des participants

Les Nations co-intervenantes ont fait état d’un grand nombre d’affluents et de milieux humides le long de la zone du projet et de beaucoup d’autres à proximité où vivent des poissons, comme la rivière Liard et les affluents à l’ouest du lac Fisherman. Les plans d’accès proposés nécessitent le débroussaillage de zones riveraines pour permettre le franchissement par des véhicules et de l’équipement, notamment à des endroits de glace permanente. Les Nations co-intervenantes ont aussi mentionné les travaux dans les cours d’eau nécessaires pour retirer la conduite à nu aux points PM-4A et PM-7A. Selon elles, les eaux dans la zone du projet pourraient abriter de l’omble à tête plate, une espèce préoccupante figurant à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. Elles ont fait part de menaces à cette espèce, dont l’habitat a été perturbé et fragmenté par suite, entre autres, de la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières et de l’aménagement d’une infrastructure de transport.

Les Nations co-intervenantes ont dit craindre que la cessation d’exploitation du pipeline proposée par des travaux dans les cours d’eau et les divers franchissements de cours d’eau accélèrent l’envasement et la hausse des températures de l’eau. De plus, l’enlèvement d’un barrage de castors érigé au-dessus de la conduite au point PM-7A pourrait détériorer davantage l’habitat du poisson, et de nouvelles mises à nu à l’avenir pourraient créer des obstacles directs aux déplacements des poissons de petite taille durant les périodes de bas niveaux des eaux dans les systèmes de canaux. Elles ont aussi exprimé des préoccupations concernant les effets cumulatifs du projet sur les ressources aquatiques dans le contexte des changements climatiques, une situation qui pourrait nuire davantage à la disponibilité d’eau et à sa qualité, notamment par un changement de sa température et par la suite des niveaux d’oxygène dissous. Les Nations co-intervenantes ont recommandé qu’on envisage d’enlever la conduite aux points de franchissement des cours d’eau pour prévenir de futurs effets négatifs comme l’apparition d’obstacles pour le poisson. Cette opération accentuerait certes la perturbation des cours d’eau et des zones riveraines, mais ses avantages pour les espèces aquatiques en péril, comme l’omble à tête plate, dont la mise en place de mesures compensatoires et le rétablissement des lieux, l’emportent sur les effets négatifs.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge que, grâce aux mesures d’atténuation que propose Westcoast et à son plan de rechange pour les travaux dans les cours d’eau ainsi que le démantèlement du barrage de castors dans le cours d’eau WC-36, les éventuels effets négatifs, y compris les effets cumulatifs, sur le poisson et son habitat, seront peu importants.

La Commission relève que les travaux dans les cours d’eau n’exigeront pas de débroussaillage du chemin d’accès et qu’aucune excavation ne sera nécessaire sur les sites de l’enlèvement de la conduite. Par contre, des travaux sont envisagés dans les cours d’eau WC-27A (PM-4A) et WC-36 (PM-7A) pour retirer des sections de la conduite à nu.

Les relevés de poissons réalisés par Westcoast ont indiqué la présence d’un habitat marginal à inapproprié dans le cours d’eau WC-27A et confirmé l’absence d’un habitat de frai automnal d’espèces de poissons. La société a indiqué qu’il était possible que ce cours d’eau soit complètement gelé au moment du retrait de la conduite à nu. La Commission considère que les mesures d’atténuation proposées par Westcoast pour le poisson et son habitat sont suffisantes pour protéger les ressources aquatiques dans le cours d’eau WC-27A.

La Commission prend acte de la découverte d’un gros barrage de castors dans le cours d’eau WC-36 et de la présence de nombreux autres barrages occupés à la grandeur de la zone étudiée. Dans ces circonstances, elle estime qu’il est peu probable que le cours d’eau soit complètement gelé au moment prévu pour exécuter les travaux. La Commission retient l’engagement de Westcoast à appliquer le Code de pratique : Ouverture et démantèlement de barrages de castors du MPO, tout en soulignant que la construction en hiver ne tombe pas dans la période de protection des pêches du cours d’eau WC-36.

La Commission est d’avis que le démantèlement du barrage de castors en hiver risque de se répercuter négativement sur le poisson et son habitat, notamment par une destruction de son habitat d’hivernage et une sédimentation dans son habitat en aval du barrage. Elle juge cependant que les engagements de Westcoast à appliquer les mesures décrites dans le Code de pratique : Ouverture et démantèlement de barrages de castors du MPO (enlèvement progressif du barrage pour contrôler le débit et empêcher les sédiments d’être libérés en aval, prévention de l’échouage de poissons, etc.) et la récupération de poissons devraient réduire au minimum les risques d’effets négatifs.

La Commission est consciente que, s’il est confirmé que le barrage est occupé, il faudra capturer et déplacer les castors avant d’entreprendre le démantèlement du barrage. Une telle opération menée en hiver risque de causer de la mortalité, car le castor ne peut pas être déplacé durant cette saison, sa réserve de nourriture se trouvant généralement sous l’eau, dans son étang. La Commission croit comprendre que pour démanteler le barrage et déplacer des castors s’y trouvant, la société doit obtenir un permis délivré en vertu de la Loi sur la faune (Yukon). Dans le rapport de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon déposé par Westcoast le 24 juillet 2024, on indique que le démantèlement du barrage en hiver risque d’avoir des effets négatifs importants sur le castor. Au nombre des conditions contenues dans ce rapport, on note que le démantèlement du barrage doit se dérouler durant la période de protection des pêches (c.-à-d. pas en hiver), sous réserve d’une décision contraire du ministère de l’Environnement du Yukon. Cette recommandation a par la suite été imposée par d’autres organismes décisionnels relevant de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Elle constitue la condition 6 du document de décision consolidé. Cette condition exige de Westcoast qu’elle communique avec le ministère de l’Environnement du Yukon et, au besoin, le MFO, pour discuter du moment du démantèlement du barrage de castors et de toute condition qu’il pourrait falloir respecter pour se livrer à cette activité. La Commission prend acte de l’engagement de Westcoast à respecter les conditions contenues dans le rapport de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, qui figuraient aussi dans les documents de décision produits aux termes de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Elle estime que le respect des exigences et des conditions relatives au moment de la réalisation des travaux rattachées au permis délivré au titre de la Loi sur la faune (Yukon) pour le démantèlement du barrage de castors réduiront au minimum les effets négatifs potentiels sur ceux-ci.

La Commission impose la condition 6 – Plan de protection de l’environnement à jour, qui exige de Westcoast quelle présente un PPE à jour décrivant l’ensemble des procédures de protection de l’environnement, des mesures d’atténuation et des engagements qui seront mis en œuvre pour éviter ou réduire au minimum les effets environnementaux et socioéconomiques négatifs éventuels pendant les activités de cessation d’exploitation. La condition 6 renfermera aussi les modalités, conditions et recommandations qui se trouvaient dans les documents de décision produits en vertu de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon pour le projet, dont la totalité des autres mesures d’atténuation qui sont nécessaires pour respecter ces modalités et conditions.

Conformément au protocole d’entente de 2023 intervenu entre la Régie et le MPO, la Régie examine les activités prévues dans un projet et renvoie au MPO les travaux qui pourraient causer la détérioration, la perturbation ou la destruction du poisson ou de son habitat et qui, par conséquent, exigent une autorisation aux termes de l’alinéa 35(2)b) de la Loi sur les pêches. La Commission impose donc la condition 5, qui exige que Westcoast dépose la version finale des renseignements se rapportant à chaque cours d’eau, dans les 45 jours qui suivent la réception de l’ordonnance de cessation d’exploitation, ce qui comprend les renseignements relatifs aux cours d’eau WC27A et WC-36 et aux six bornes d’essai (AGM#2L, AGM#3L, AGM#11L, AGM#12L, AGM#13R et AGM#15R).

La Commission juge que l’enlèvement de la conduite à tous les franchissements de cours d’eau et zones riveraines à proximité n’est pas nécessaire, car il exigerait qu’on se rende sur l’emprise sur toute la longueur du pipeline. Ces travaux obligeraient plus de débroussaillage le long de l’emprise, avec des risques accrus d’effets sur la végétation et la faune et son habitat ainsi que sur le poisson et son habitat à tous les franchissements de cours d’eau. Elle juge satisfaisant l’engagement de Westcoast à assurer une surveillance à long terme de l’emprise et à corriger toute mise à nu future de la conduite, le cas échéant, dès qu’elle est constatée.

4.5.3 Faune et habitat faunique – Oiseaux

4.5.3.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a indiqué que l’emprise se trouve à divers stades de régénération de succession dans les hautes terres, les milieux humides et les zones riveraines, et une partie de l’emprise a été marquée par une forte présence du bison. De façon générale, la végétation en régénérescence sur l’emprise est constituée d’arbustes et de gaules. Un couvert résultant de certaines perturbations anthropiques, dont des zones débroussaillées (zones perturbées dominées par des espèces de graminoïdes agronomiques/cultivés et de végétation herbacée) et perturbées (c.-à-d. zones maintenues sans végétation, comme des chemins d’accès) persiste.

Westcoast a fait une reconnaissance sur le terrain et relevé les espèces ci-après ou des signes de la présence de celles-ci :

  • ours noir,
  • écureuil roux,
  • bison des bois,
  • orignal,
  • espèces de chevreuils,
  • pic chevelu,
  • pic mineur,
  • paruline flamboyante,
  • balbuzard pêcheur,
  • sittelle à poitrine rousse,
  • jaseur boréal,
  • bec-croisé bifascié,
  • mésange à tête noire,
  • chardonneret jaune,
  • tarin des pins,
  • faucon pèlerin,
  • moucherolle à ventre roux,
  • hirondelle bicolore,
  • espèces de paruline et d’hirondelle non répertoriées,
  • deux amphibiens (grenouille des bois et crapaud de l’Ouest).

Westcoast a indiqué que le projet se trouve dans la région de conservation des oiseaux n o 6, qui comporte une période de nidification principale qui s’étend du 5 mai au 9 août. Durant cette période, la majorité (90 %) des oiseaux migrateurs se reproduisent et nichent dans la zone.

Les travaux prévus par Westcoast devant se dérouler en hiver, ils ne tombent pas dans la période de nidification principale de ces espèces. En réalisant les travaux en hiver, il sera possible de recourir à des techniques limitant les perturbations au minimum, et le débroussaillage des chemins d’accès le long de l’emprise sera lui aussi limité au strict minimum (le débroussaillage des conifères en croissance sera circonscrit aux seules zones devant permettre un accès sécuritaire avec l’équipement et la réalisation des travaux en toute sécurité). Par conséquent, les banques de semences le long de l’emprise ne seront pas perturbées, et la régénération de la végétation devrait être relativement rapide.

Westcoast a pris en considération les effets éventuels du débroussaillage de la végétation et de l’accès dans son évaluation environnementale et socioéconomique, dont les répercussions possibles sur la faune. Elle s’attend à ce que la perte de végétation découlant du débroussaillage soit d’une étendue limitée et à ce qu’elle celle-ci revienne aux conditions actuelles relativement rapidement (moyen terme) une fois terminées les activités de cessation d’exploitation. Parmi les mesures d’atténuation, la société a indiqué qu’elle réaliserait des relevés avant la construction pour recenser les caractéristiques environnementales comme les tanières, et le marquage de celles-ci au moyen de drapeaux, de clôtures ou de panneaux avant d’entreprendre les travaux. Elle s’est associée à des peuples autochtones locaux pour assurer une surveillance locale, et s’attend à ce que ces surveillants participent aux relevés préalables à la construction.

Westcoast a déclaré que son PPE renferme un plan d’intervention en cas de découverte d’espèces sauvages, qui comporte des mesures qui seront mises en place advenant la découverte de signes de présence ou de la présence d’espèces sauvages préoccupantes avant et pendant la construction, dont les suivantes :

  • rétrécissement de la zone de perturbation proposée et protection du site au moyen d’une clôture ou d’une signalisation claire;
  • communication aux usagers des restrictions d’accès aux alentours des sites clôturés ou signalés;
  • suspension des travaux dans le voisinage immédiat;
  • communication à l’inspecteur en environnement et, au besoin, aux autorités réglementaires compétentes;
  • élaboration par un biologiste ou un spécialiste de l’environnement qualifié d’un plan d’atténuation approprié et visite sur les lieux.

Westcoast s’est engagée, pour le projet, à respecter les lois et les règlements fédéraux relatifs à l’environnement, dont la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

4.5.3.2 Points de vue des participants

Selon les Nations co-intervenantes, il existe un risque que des habitats d’oiseaux soient réduits et qu’il y ait une augmentation de la mortalité d’oiseaux. Les besoins de débroussaillage et d’accès pourraient causer une suppression directe de sites de nidification ce qui se répercuterait sur des espèces qui nichent dans des cavités. Selon la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et les règlements afférents, les cavités utilisées par le grand pic sont protégées pendant toute l’année. Il est possible d’obtenir une autorisation pour enlever un nid, mais il faut que celui-ci ait été signalé à Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») et qu’aucun oiseau migrateur ne l’ait occupé pendant trois années de suite. Dans son évaluation environnementale et socioéconomique, Westcoast indique que le grand pic est une espèce qui pourrait être présente dans la zone du projet, mais elle ne fait état d’aucune mesure qu’elle prendrait si des nids dans des cavités étaient découverts.

Les Nations co-intervenantes ont déclaré que le repérage de nids d’oiseaux, technique courante dans l’industrie, n’est pas une mesure d’atténuation reconnue par ECCC. Par conséquent, il n’a pas été tenu compte du risque que le projet cause de la mortalité ou nuise à la nidification par suite de perturbations sensorielles. Le projet peut entraîner des effets cumulatifs, en s’ajoutant aux perturbations humaines existantes et se traduire par une perte directe d’oiseaux migrateurs et de leur progéniture. La société ne tient pas compte des effets du débroussaillage de la végétation qui est proposé pour accéder aux sites des travaux. Ces effets peuvent être contrés par des repérages d’espèces sauvages, jumelés à des efforts de recherche sérieux faits par des personnes compétentes, dont des utilisateurs autochtones des terres, et un marquage des signes de présence d’espèces sauvages, comme le grand pic, longtemps avant l’abattage d’arbres.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge que, grâce aux mesures d’atténuation que propose Westcoast et à son plan d’intervention en cas de découverte d’espèces sauvages, les éventuels effets négatifs du projet sur les oiseaux migrateurs et leurs nids seraient peu importants et que la contribution du projet aux effets cumulatifs serait négligeable.

Westcoast ayant prévu se livrer aux activités de débroussaillage en hiver, soit en dehors de la période de nidification principale des oiseaux, les effets sur les oiseaux migrateurs et leur progéniture devraient être réduits au minimum. La Commission prend acte du fait que les Nations co-intervenantes ont recensé le grand pic comme espèce protégée pendant toute l’année et qu’il pourrait être touché par le débroussaillage de la végétation nécessaire pour procurer un accès temporaire aux sites du projet. Elle relève aussi le constat de Westcoast de l’état actuel de la végétation le long de l’emprise et de la présence possible du grand pic dans la zone du projet ainsi que la mention de son plan d’intervention en cas de découverte d’espèces sauvages qui indique les mesures d’atténuation devant être mises en place si une cavité de nidification est découverte. La société s’est engagée à réaliser des relevés avant la construction et à marquer les caractéristiques environnementales au moyen d’une signalisation, d’une clôture ou autrement avant d’entreprendre les travaux. La Commission relève que les Nations co-intervenantes ont mentionné aussi la méthode des repérages d’espèces sauvages longtemps avant l’abattage d’arbres pour contrer les éventuels effets cumulatifs sur les oiseaux migrateurs.

La Commission rappelle à Westcoast son engagement à respecter les lois et règlements fédéraux relatifs à l’environnement, dont la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Elle s’attend à ce que la société consulte les Lignes directrices pour éviter de nuire aux oiseaux migrateurs d’ECCC au moment de mettre la touche finale à ses mesures d’atténuation pour ces espèces.

4.5.4 Faune et habitat faunique – Aire de répartition NT-1 et caribou, population boréale

4.5.4.1 Point de vue de Westcoast

Le caribou boréal est une espèce menacée figurant à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. Westcoast a indiqué que l’empreinte du gazoduc Pointed Mountain longe la limite ouest de l’aire de répartition du caribou NT-1 sur une distance d’environ 26,5 km dans les Territoires du Nord-Ouest. Les sites PM-1, PM-3 et PM-4 sont situés dans cette aire de répartition du caribou, qui est considérée comme un habitat essentiel, car elle peut contribuer à atteindre la cible de 65 % d’habitat non perturbé nécessaire à l’autosuffisance des populations boréales de caribous. L’habitat essentiel non perturbé restant dans l’aire NT-1 est estimé à 65 %, soit le pourcentage le plus élevé pour toutes les populations de caribous boréaux. Les perturbations anthropiques dans cette aire sont relativement faibles et sont estimées à environ 9 %.

Bien que le Rapport sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population boréale, au Canada, 2012-2017Footnote 6 fasse état d’un déclin généralisé des populations, l’appréciation du risque intégré pour l’aire de répartition NT-1 est jugée « autosuffisante » (c.-à-d. que l’aire a la capacité de maintenir une population locale de caribou boréal). On estime qu’il y a entre 6 000 et 7 000 individus dans cette aire de répartition.

Westcoast a mené des études sur le terrain le long de l’emprise où des activités concrètes de cessation d’exploitation se dérouleraient. Aucun caribou boréal ni signe de sa présence n’ont été observés à ces endroits. La société a déclaré qu’un représentant de la Première Nation Acho Dene Koe avait indiqué qu’aucun caribou n’avait été vu dans la zone du projet au cours des dernières années et que l’habitat convenable est rare, car d’autres espèces sauvages (comme le bison des bois) avaient occupé l’emprise.

Westcoast a affirmé qu’au cours de ses études sur le terrain, des bisons des bois avaient été observés dans leurs déplacements le long de l’emprise, entre tous les lieux aux Territoires du Nord-Ouest (PM-1, PM-2, PM-3 et PM-4), tous les lieux au Yukon (PM-6 et PM-7) et des lieux en Colombie-Britannique (PM-8, PM-9 et PM-10). Des signes d’une occupation intense de l’emprise du pipeline par des bisons des bois ont été détectés dans ces trois régions, dont des perturbations de la végétation, comme des sentiers, des pistes, des bains de boue et des signes de pâturage et des excréments.

Vu la rareté de l’habitat du caribou (causé par la présence de bisons des bois le long de l’emprise) et l’absence d’observations de caribous dans la zone où doivent se dérouler les activités de cessation d’exploitation proposées, Westcoast a conclu que l’importance relative de la zone pour cette espèce pouvait être considérée comme faible. Elle a donc indiqué qu’elle s’attendait à ce qu’il n’y ait aucune perte nette d’habitat non perturbé dans l’aire de répartition du caribou NT-1 en raison du projet.

Selon la société, l’emprise se trouve actuellement à divers stades de régénération de succession dans les hautes terres, les milieux humides et les zones riveraines, et une partie de l’emprise a été marquée par une forte présence du bison. De façon générale, la végétation en régénérescence sur l’emprise du pipeline est constituée d’arbustes et de gaules. Un couvert résultant de certaines perturbations anthropiques, dont des zones débroussaillées (zones perturbées dominées par des espèces de graminoïdes agronomiques/cultivés et de végétation herbacée) et perturbées (c.-à-d. zones maintenues sans végétation, comme des chemins d’accès) persiste.

Westcoast a pris en considération les effets éventuels du débroussaillage de la végétation et de l’accès dans son évaluation environnementale et socioéconomique, dont les répercussions possibles sur la faune. Elle a prévu réaliser les travaux en hiver, ce qui permettra de recourir à des techniques limitant au minimum les perturbations et le débroussaillage le long de l’emprise du pipeline. Ces techniques permettront aussi de protéger les banques de semences le long de l’emprise. Selon la société, la perte de végétation découlant du débroussaillage devrait être d’une étendue limitée et la végétation devrait revenir aux conditions actuelles relativement rapidement (moyen terme) une fois terminées les activités de cessation d’exploitation.

Westcoast a évalué le risque de mortalité accrue du caribou découlant du débroussaillage de l’emprise, du fait que cette activité est susceptible de faciliter les déplacements des prédateurs. Elle a cependant constaté que la revégétalisation dans l’habitat situé le long de l’emprise, dans son état actuel, n’est pas assez avancée pour réduire au minimum l’efficacité des prédateurs dans des couloirs linéaires.

Westcoast s’est engagée à mettre en place des mesures d’atténuation destinées à réduire le plus possible les perturbations d’ordre sensoriel. Par exemple, l’équipement sera bien entretenu (p. ex., silencieux), le fonctionnement au ralenti sera évité, et il sera interdit au personnel affecté au projet de circuler à motoneige à l’extérieur de l’empreinte du projet. Par ailleurs, pour ce qui est des activités de cessation d’exploitation menées en hiver, on préconisera une approche visant à commencer tôt et finir tôt pour réduire les perturbations sensorielles chez le caribou. Ainsi, on entreprendra les activités dès que les conditions du sol le permettront à l’hiver et on s’efforcera de réaliser les travaux le plus rapidement possible pour limiter les activités à la fin de la saison.

Le PPE de Westcoast renferme des mesures d’atténuation qui visent à réduire au minimum les effets possibles sur les déplacements du caribou et le risque de mortalité, en tenant compte de la concomitance des périodes hivernales de vulnérabilité et des activités concrètes de cessation d’exploitation. Grâce aux mesures d’atténuation indiquées dans son PPE, la société s’attend à ce qu’il soit possible d’éviter ces situations ou de les atténuer au point où elles seront négligeables.

Westcoast a expliqué que son évaluation des effets sur l’habitat du caribou reposait sur une approche fondée sur la prudence. Bien que des effets positifs soient prévus par suite de l’amélioration de l’habitat découlant de l’enlèvement d’une infrastructure, d’autres facteurs ont été pris en considération, dont ceux-ci :

  • la période nécessaire pour l’amélioration de l’habitat (régénération de la végétation);
  • l’état actuel de la population de caribou dans l’aire de répartition NT-1 et l’évolution de celle-ci;
  • la présence actuellement du bison des bois sur l’emprise;
  • les effets négatifs résiduels minimes associés à la courte durée des perturbations sensorielles.

Globalement, les effets résiduels sont jugés, de façon prudente, comme neutres, bien qu’ils puissent être positifs dans l’ensemble.

Le rétablissement de l’habitat occupé exigerait qu’on ramène de l’équipement lorsque le sol ne sera pas gelé, ce qui pourrait nuire davantage à la régénération de la végétation sur l’emprise du pipeline, sans parler des difficultés pour se rendre sur les lieux. Des tronçons de l’emprise du pipeline qui pourraient bénéficier d’efforts supplémentaires de rétablissement sont fortement occupés par des bisons. Des zones qui ne sont pas occupées par cette espèce sont propices à une régénération naturelle. Westcoast est d’avis que la meilleure approche possible consiste à favoriser un rétablissement naturel et à permettre la poursuite de la progression de l’emprise sur sa trajectoire de succession afin de retrouver un couvert qui se rapproche des environs.

Westcoast a déclaré que l’utilisation de semences d’herbes dans l’aire de répartition du caribou NT-1 une fois les activités concrètes de cessation d’exploitation terminées sera limitée à des endroits où il y a eu un remuement du sol (sites d’enlèvement physique de la conduite), où il y a un risque d’érosion ou d’introduction ou de dispersion de mauvaises herbes. L’emprise du pipeline actuelle qui se trouve à l’extérieur des lieux où se dérouleront les activités concrètes de cessation d’exploitation ne seront pas réensemencées, car aucun remuement du sol n’y est prévu.

4.5.4.2 Point de vue des participants

Les Nations co-intervenantes ont déclaré que le projet nécessitait le débroussaillage du parcours actuel et un débroussaillage supplémentaire pour l’accès. Elles ont dit être préoccupées par le fait que Westcoast affirme dans son évaluation environnementale et socioéconomique que le projet ne créerait pas de nouveaux corridors linéaires. Selon elles, le rétablissement partiel de la végétation le long de l’emprise créera un tel corridor. Par ailleurs, le dérangement de l’emprise où la végétation s’est rétablie aura des répercussions sur la faune après les travaux.

Les Nations co-intervenantes ont dit s’inquiéter de l’occupation que fait le bison des bois de l’empreinte actuelle du pipeline et du fait que la création d’un nouveau corridor linéaire puisse amener des espèces comme le caribou boréal et d’autres espèces sauvages à éviter ces lieux qu’elles fréquenteraient en d’autres circonstances. L’aménagement d’autres chemins d’accès pour le projet pourrait aussi procurer des voies d’évacuation aux prédateurs du caribou boréal, comme le loup gris. Elles ont ajouté qu’elles craignaient la contribution du projet aux effets cumulatifs, dans le contexte de l’augmentation des feux de forêt et du dégel du pergélisol, deux facteurs qui contribuent au déclin des populations de caribous boréaux.

Les Nations co-intervenantes étaient d’avis que le rétablissement d’un corridor linéaire devrait s’accompagner d’un dégrossissage de l’emprise et de la plantation d’espèces d’arbres, de manière à réduire la possibilité de créer des voies d’évacuation pour les prédateurs et de modifier les lignes de visée dans la zone perturbée. Cette approche accélérerait le rétablissement de cette dernière pour ramener le type de forêt de succession environnante sur la plus grande partie du pipeline.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge que, grâce aux mesures d’atténuation que propose Westcoast et à son plan d’intervention en cas de découverte d’espèces sauvages, les éventuels effets négatifs du projet sur le caribou, y compris les effets cumulatifs, seraient peu importants.

L’aire de répartition du caribou NT-1 offre un habitat à 65 % non perturbé, soit le seuil d’autosuffisance fixé dans la Stratégie de rétablissement du caribou des bois, population boréale. De plus, la population de caribou présente dans cette aire de répartition est considérée comme autosuffisante. À l’heure actuelle, le bison des bois occupe l’habitat du caribou dans cette aire de répartition située le long de l’emprise. Selon l’étude menée sur le terrain par Westcoast, confirmée par le savoir autochtone d’un représentant de la Première Nation Acho Dene Koe, l’occupation de l’emprise par le bison des bois a altéré la qualité de l’habitat du caribou dans cette zone.

Il apparaît à la Commission que tout effort réel de rétablissement le long de l’emprise, dont la suggestion faite du dégrossissage de celle-ci et la plantation d’arbres pour le caribou, devrait, pour réussir, se faire durant l’été. Or, accéder à l’emprise et mener les travaux à cette période de l’année pourraient causer d’autres perturbations à l’environnement. Selon le savoir local confirmé par un représentant de la Première Nation Acho Dene Koe, l’habitat convenable pour le caribou dans la zone du projet est rare du fait de l’occupation de l’emprise par le bison des bois. D’ailleurs, aucun caribou n’a été observé dans cette zone ces dernières années. La Commission est portée à croire que la présence continue sur l’emprise du bison des bois contrecarrerait, tout au moins en partie, les efforts de rétablissement de l’habitat du caribou menés dans le cadre du projet. Ayant pris en compte le savoir local et la preuve au dossier, la Commission estime que la meilleure approche possible consiste à favoriser un rétablissement naturel et à permettre la poursuite de la progression de l’emprise sur sa trajectoire de succession afin de retrouver un couvert qui se rapproche des environs. En s’appuyant toujours sur le savoir local et la preuve au dossier et en tenant compte de l’état actuel de l’aire de répartition du caribou NT-1 et de la population de l’espèce elle-même, la Commission n’a pas recommandé l’ajout de conditions portant sur le rétablissement de l’habitat du caribou pour le projet.

Westcoast a indiqué que l’emprise se trouve à divers stades de régénération de succession selon l’utilisation qui est faite des terres (hautes terres, milieux humides et secteurs occupés par le bison des bois). La végétation varie d’arbustes à des forêts de gaules en régénérescence, parfois parsemées d’espèces de conifères, et de milieux humides. Pour ce qui est de la présence de prédateurs sur l’emprise, la société a indiqué que la végétation qu’on y trouve ne constituait pas un obstacle à leur efficacité. La Commission juge que le projet ne crée pas de nouveaux accès à l’emprise. Aucun nouvel accès permanent n’est proposé, et l’accès aux sites des activités de cessation d’exploitation proposés se fera par des chemins qui existent déjà et par l’emprise. Pour accéder à l’emprise, il faudra faire un débroussaillage de la végétation en régénérescence, ce qui constitue un recul pour la revégétalisation qui pourrait avoir des effets résiduels à moyen terme sur l’habitat du caribou. Vu l’emplacement où se déroulera le projet, une fois la cessation d’exploitation du pipeline complétée, la végétation ne devrait plus être perturbée à long terme.

La Commission relève que Westcoast s’est engagée à assurer une surveillance de l’empreinte du projet pendant cinq ans après le nettoyage pour veiller à ce que le rétablissement de la couverture végétale progresse et que celle-ci s’harmonise au milieu environnant. Afin de garantir que l’empreinte du projet (y compris la totalité de l’emprise du pipeline) a été remise dans un état équivalent au potentiel des terres ou est en voie de l’être, la Commission impose la condition 10, qui exige de Westcoast qu’elle surveille l’empreinte du projet et fournisse des rapports de remise en état à la Régie après les première, troisième, cinquième et septième saisons complètes de croissance suivant l’achèvement des activités de cessation d’exploitation. La Commission a étudié la demande de Westcoast de limiter cette condition pour qu’elle prenne fin après la cinquième saison complète de croissance, mais elle a jugé, vu les saisons de croissance plus courtes dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, qu’il était préférable de s’en tenir à sept saisons complètes de croissance.

4.5.5 Contamination du sol

4.5.5.1 Point de vue de Westcoast

Westcoast a consulté l’Inventaire des sites contaminés fédéraux, l’inventaire des sites contaminés du Yukon, la BC Environmental Remediation Sites Database et la liste des sites contaminés des Territoires du Nord-Ouest du gouvernement du Canada. Aucun de ces inventaires n’indiquait la présence de contaminations connues le long de l’emprise. Cependant, un déversement de diesel a été signalé en 2018 au site PM-1 (lanceur du gazoduc Pointed Mountain) situé à la BK 0,00.

Westcoast a réalisé une évaluation environnementale de site, phase I, aux endroits où l’infrastructure pipelinière sera retirée. Il s’est avéré qu’une évaluation environnementale de site, phase II, était nécessaire pour confirmer la présence de contaminants potentiellement préoccupants dans le sous-sol des sites PM-1, PM-6, PM-7, PM-8, PM-9 et PM-10. Westcoast a confirmé qu’une telle évaluation avait été menée à chacun de ces sites et que des contaminations avaient été détectées aux sites PM-1 et PM-7. Elle a déposé trois avis de contamination auprès de la Régie pour le projet, à savoir REM-0193, REM-2018-034 et REM-2021-061. Ces trois endroits ont été répertoriés comme des sites potentiellement préoccupants pour l’évaluation environnementale de site, phase I. Westcoast a confirmé qu’elle avait prévu mener des activités d’assainissement à ces trois sites, parallèlement à celles de cessation d’exploitation du projet. Elle a aussi confirmé que, dans l’éventualité où elle constaterait la présence de sols contaminés durant les travaux, ceux-ci seraient manutentionnés en respectant les exigences du Guide sur le processus d’assainissement de la Régie. Elle a ajouté qu’on trouve dans son PPE des mesures d’atténuation et des procédures expliquant la marche à suivre si des sols et des eaux contaminés connus ou non recensés sont rencontrés le long de l’emprise.

Westcoast a indiqué qu’avant la désactivation, le pipeline avait été purgé de tout résidu de produit, enduit d’un inhibiteur de corrosion et physiquement isolé de toutes les sources de pression en amont. Elle a ajouté que, selon un document préparé par Det Norske VeritasFootnote 7 (2010), les métaux libérés du corps d’un pipeline ne sont généralement pas considérés comme un risque potentiel pour l’environnement durant la dégradation du matériau du tube.

4.5.5.2 Point de vue des participants

La Première Nation de Whitefish Lake (Atikameg) a déclaré que ses membres récoltent des plantes dans les montagnes et près des cours d’eau, mais que le sol est contaminé du fait de la présence du pipeline lui-même, et même l’emprise, puisque les loups l’utilisent comme route.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge satisfaisantes les mesures d’atténuation et les procédures contenues dans le PPE de Westcoast pour les sols et les eaux contaminés afin d’assurer la protection de l’environnement. Elle estime que les effets indésirables sur le sol seront peu importants et que la contribution du projet aux effets cumulatifs sera négligeable.

S’agissant de la préoccupation de la Première Nation de Whitefish Lake (Atikameg), selon laquelle la présence de pipelines dans le sol constitue une contamination, la Commission relève qu’avant la désactivation, le pipeline a été purgé de tout résidu de produit, enduit d’un inhibiteur de corrosion et isolé physiquement de toutes les sources de pression en amont. Les métaux libérés du corps d’un pipeline ne sont généralement pas considérés comme un risque potentiel pour l’environnement à mesure que le matériau du tube se dégrade. Elle juge donc que le risque de contamination de l’environnement par suite de la dégradation du tube est faible.

La Commission prend acte de l’engagement de la société d’assurer une surveillance de l’empreinte du projet pendant cinq ans après le nettoyage et impose la condition 10, qui exige de Westcoast qu’elle surveille l’empreinte du projet et fournisse des rapports de remise en état à la Régie après les première, troisième, cinquième et septième saisons complètes de croissance suivant l’achèvement des activités de cessation d’exploitation. Ces rapports doivent en outre confirmer que toute contamination détectée a été corrigée conformément aux exigences fédérales, territoriales et provinciales applicables.

4.5.6 Affaissement du sol

4.5.6.1 Point de vue de Westcoast

Selon Westcoast, des études indiquent qu’il faut s’attendre à ce qu’un pipeline abandonné sur place se corrode avec le temps, s’effondre et cause un affaissement du sol. Cependant, les études concluent qu’il est peu probable que le pipeline se dégrade sur toute sa longueur. Par ailleurs, l’ampleur de l’affaissement du sol dans le cas des pipelines d’un diamètre maximal de 323,9 mm (12¾ pouces) est considérée comme négligeable, tandis que pour les pipelines de plus de 304 mm (12 pouces) de diamètre, il est jugé à l’intérieur de la plage de tolérance. Le projet étant constitué d’un tube de diamètre extérieur NPS 20 (508 mm), il entrerait dans la plage de tolérance.

Westcoast a indiqué que le soulèvement du sol dû au gel peut amener un pipeline abandonné à remonter davantage à la surface. Ce phénomène tient à la baisse de chaleur dans le sol près de la conduite par rapport à ce qu’elle était quand le pipeline était en exploitation. Cependant, ce soulèvement se produit généralement dans la tranche supérieure de 120 cm de sol qui gèle toujours. La société a affirmé que le pipeline se trouvait à une profondeur minimale de 0,9 m (1,2 m aux franchissements de cours d’eau). Elle a ajouté que le pipeline ne franchit aucune voie ferrée ni aucun autre élément considéré comme hautement susceptible de s’affaisser le long de l’empreinte du projet. Elle a affirmé que le pipeline enfoui devrait être stable à long terme et qu’un affaissement du sol causé par une éventuelle corrosion du tube ou un effondrement de celui-ci ne devrait pas avoir de répercussions sur le milieu physique.

Westcoast a indiqué que la meilleure mesure d’atténuation du risque consistait à assurer une surveillance périodique de l’emprise pour y détecter des signes d’effets sur le milieu physique et de prendre les mesures appropriées si on en découvre. Elle s’est engagée à mener une surveillance à long terme du gazoduc Pointed Mountain. Elle a affirmé que dans l’éventualité où des problèmes imprévus se présenteraient, il lui incombera de faire le nécessaire pour les régler. À cette fin, elle tiendra compte des pratiques exemplaires de l’industrie et des conditions propres au site et elle se conformera aux exigences de la Régie.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission juge satisfaisantes les mesures d’atténuation et la surveillance à long terme prévues par Westcoast sur l’emprise pour protéger le milieu de tout affaissement du sol. Elle estime que les effets indésirables sur l’environnement découlant d’un affaissement du sol causé par l’effondrement du pipeline devraient être peu importants et que la contribution du projet aux effets cumulatifs sera négligeable.

Westcoast a mentionné que l’affaissement du sol causé par la corrosion ou l’effondrement total du pipeline était peu probable pour des pipelines de diamètre moyen, mais que si cela devait se produire, ce ne serait qu’à certains endroits et de façon intermittente. La Commission note que la hauteur de recouvrement minimale du pipeline est de 0,9 m en général et de 1,2 m aux franchissements de cours d’eau. Ainsi, la majeure grande partie du pipeline de 508 mm (20 pouces) est recouverte de 120 cm de sol qui gèle chaque année, ce qui, par conséquent, rend faible le risque de soulèvement dû au gel. En plus de son engagement à assurer une surveillance à long terme, Westcoast s’est engagée à mettre en place les mesures nécessaires si des problèmes imprévus surviennent, en tenant compte des pratiques exemplaires de l’industrie et des conditions propres au site imposées par la Commission qui, par ailleurs, conservera la compétence sur le pipeline abandonné sur place.

4.6 Sécurité

4.6.1 Point de vue de Westcoast

Dans sa demande, Westcoast a fait état de plans pour prendre en charge les dangers typiques liés à la sécurité pendant les activités de cessation d’exploitation, en l’occurrence le manuel d’Enbridge en matière de sécurité, un plan de sécurité particulier pour le projet et des évaluations des dangers sur le terrain. Elle a ajouté que pour des raisons de sécurité, d’impact sur l’environnement et d’affectation des terres, elle enlèverait l’infrastructure pipelinière en surface jusqu’à la profondeur de la conduite, tout en abandonnant celle-ci en place, entre autres aux franchissements de cours d’eau et de routes. Des panneaux de mise en garde seront installés aux extrémités des segments et aux franchissements pour indiquer la présence de la conduite abandonnée.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission estime que les dangers liés à la sécurité pendant les activités de cessation d’exploitation peuvent être atténuées par des mesures classiques, dont celles contenues dans le manuel d’Enbridge en matière de sécurité. Elle impose la condition 8, qui exige de la société qu’elle présente ce qui suit à la Régie dans les 30 jours précédant l’amorce des activités en question :

  • un plan de sécurité propre au projet ou un manuel sur la sécurité en matière de construction (qui couvre toutes les bornes d’essai qui doivent être enlevées, c.-à-d. un plan permettant un accès et une intervention d’urgence sécuritaires);
  • le manuel d’Enbridge en matière de sécurité;
  • un inventaire des risques particuliers au projet; • un plan pour la réalisation du projet;
  • d’autres documents sur la sécurité et l’identification des dangers produits en vue d’être utilisés durant l’exécution du projet.

4.7 Questions économiques et financières

4.7.1 Point de vue de Westcoast

En octobre 2023, Westcoast estimait le coût du projet à 56,2 millions de dollars, en dollars de 2023, ce qui comprenait une somme de 7,9 millions de dollars (aussi en dollars de 2023) pour les imprévus. La société a confirmé que les fonds nécessaires pour le projet étaient disponibles à l’interne au départ. Elle a ajouté qu’elle projetait de présenter une demande plus tard pour faire approuver le retrait de fonds de sa fiducie constituée en vue de la cessation d’exploitation de ses installations de collecte et de traitement pour se faire rembourser les coûts engagés, une fois le projet complété et les coûts réels connus. Elle a indiqué qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’il y ait de problèmes liés à l’environnement après la cessation d’exploitation. Toutefois, si des mesures d’assainissement ou des réparations devenaient nécessaires dans l’avenir, les coûts s’y rattachant seraient soit provisionnés à l’interne, soit tirés de la fiducie mentionnée précédemment ou financés par un autre mécanisme approuvé par la Commission. Le pipeline est désactivé depuis de nombreuses années et n’est plus raccordé à son réseau pipelinier et la société a indiqué qu’elle ne prévoyait pas s’en servir à l’avenir. Le projet n’aura aucune incidence sur les clients ou les services pipeliniers actuels du réseau de la société, ni sur sa base tarifaire ou ses droits.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission considère que Westcoast dispose de fonds suffisants pour réaliser les travaux de cessation d’exploitation. Elle note que ceux-ci ne devraient pas avoir d’incidence directe sur les services offerts aux expéditeurs actuels ou sur les droits exigés. Elle estime aussi que les incidences sur les droits et les services sont raisonnables, puisque le gazoduc a été désactivé depuis de nombreuses années et qu’il n’est pas raccordé au réseau de Westcoast.

La condition 9 exige de Westcoast qu’elle dépose, dans les 90 suivant la fin des activités de cessation d’exploitation, les coûts totaux de l’opération. La Commission rappelle à la société que, s’il devait y avoir des changements dans ses versements pour les coûts estimatifs de la cessation d’exploitation, elle doit l’en informer, ce qui comprend les coûts qui pourraient résulter de problèmes liés à l’environnement et les activités de cessation d’exploitation pour lesquelles la société demande par la suite le remboursement.

4.8  Participation du public, aspects socioéconomiques et questions foncières

4.8.1 Point de vue de Westcoast

Participation du public

S’agissant de la participation du public, le paragraphe 241(2) de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie exige de Westcoast qu’elle publie un avis de la cessation d’exploitation proposée dans des journaux de la région dans laquelle le projet doit se dérouler. Westcoast a publié un avis en février 2022, mais il ne l’a été qu’en anglais. Elle a par la suite corrigé cette méprise et publié de nouveau l’avis en français et en anglais pour se conformer à la Loi sur les langues officielles dans le Fort Nelson News, le 15 juin 2022, le Yukon News, le 17 juin 2022 et le NWT News/North, le 20 juin 2022. L’avis publié indiquait qu’il était possible de déposer une déclaration d’opposition ou une demande d’audience auprès de la Commission dans un délai de 30 jours et la façon pour le faire. Westcoast a par ailleurs confirmé qu’elle s’était acquittée de son engagement de signifier, dans les 72 heures, un avis de la demande aux communautés autochtones et autres parties prenantes susceptibles d’être touchées par le projet (dont les propriétaires et utilisateurs de terrains).

Comme il est indiqué à la section 4.1, Westcoast a mené un programme de consultation des parties prenantes et des peuples autochtones pour le projet. Elle a transmis aux communautés et aux organisations autochtones, ainsi qu’aux parties prenantes, des trousses d’information entre le 25 août 2021 et le 5 novembre 2021. La société a déclaré qu’aucun titulaire de droits ni aucune partie prenante n’avaient fait état de problèmes ou de préoccupations, outre des communautés autochtones.

Aspects socioéconomiques

Westcoast s’attend à ce que les incidences socioéconomiques du projet soient neutralisées par les mesures de protection de l’environnement et de surveillance. Elle a affirmé que les travaux sur le terrain pour son évaluation des répercussions sur les ressources archéologiques étaient terminés, mais qu’elle attendait toujours l’information que doivent fournir les diverses autorités territoriales.

Questions foncières

Westcoast a indiqué que 99 % du gazoduc se trouve sur des terrains de la Couronne provinciale ou territoriale et l’autre tranche de 1 % sur des terrains privés qui lui appartiennent. Son programme auprès des peuples autochtones et des parties prenantes englobait les propriétaires et utilisateurs de terres ou terrains suivants :

  • 10 communautés et organisations autochtones;
  • 8 titulaires enregistrés de territoires de piégeage / associations de guides ou de pourvoyeurs;
  • 13 autorités gouvernementales provinciales, territoriales et régionales;
  • 3 membres de l’industrie susceptibles d’être touchés;
  • 4 propriétaires de terrains (la Couronne et un membre de l’industrie).

Westcoast a mentionné qu’aucun nouveau terrain permanent ne serait nécessaire pour réaliser le projet et que les activités concrètes de cessation d’exploitation se dérouleraient sur l’emprise actuelle du gazoduc et des aires de travail à l’emplacement des neuf sites. Elle a ajouté que tous les terrains touchés par le projet sont des terres non agricoles pour lesquelles aucune mise en valeur n’est prévue à l’avenir et qu’elle envisage de conserver les droits fonciers pour le gazoduc. Après la cessation d’exploitation, elle assurera une surveillance de l’emprise et des terrains visés par des baux. Westcoast avait prévu à l’origine que les activités concrètes de cessation d’exploitation se dérouleraient entre novembre 2022 et juillet 2023 et estimait que le nombre maximal de travailleurs à un moment quelconque serait de 25. Ces travailleurs seraient hébergés dans un camp industriel qui existe déjà. Dans la mise à jour du projet du 5 octobre 2023, la société avait ajouté deux sites de travaux et repoussé les activités concrètes de cessation d’exploitation à l’hiver 2024-2025. L’estimation du nombre maximal de travailleurs s’élève maintenant à 120 personnes, qui seraient hébergées dans deux autres baraquements de chantier. La société projette d’utiliser des installations existantes ou de se servir de sites déjà dégagés pour y installer des baraquements. Le 16 août 2024, Westcoast a annoncé qu’elle repoussait les travaux d’un an.

Dans le compte rendu de son programme de participation, Westcoast a noté la demande de la Première Nation Acho Dene Koe pour que les artéfacts lui soient retournés après examen, et le document déposé par la Première Nation de Liard auprès du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest concernant le permis d’archéologie pour le projet. La société a indiqué qu’elle avait informé la Première Nation Acho Dene Koe qu’elle appliquerait les lignes directrices des autorités concernées au sujet de la destination des artéfacts et qu’elle l’informerait du processus. Elle a ajouté que son consultant avait invité la Première Nation de Liard à participer aux études archéologiques sur le terrain. Westcoast a aussi mentionné qu’elle fournirait à cette dernière un compte rendu de son programme d’archéologie sur le terrain de 2021 si elle en fait la demande.

Analyse et constatations de la Commission

La Commission considère que Westcoast a communiqué adéquatement avec les parties prenantes susceptibles d’être touchées par le projet et que son programme de participation était adapté à l’envergure de celui-ci, de sorte que les propriétaires et les utilisateurs des terrains pouvant être touchés ont eu l’occasion d’exprimer leurs préoccupations ou de faire état de problèmes. Elle juge aussi que la société a recensé de façon satisfaisante les effets socioéconomiques éventuels du au projet et qu’elle en a tenu compte. Les activités de cessation d’exploitation de Westcoast se dérouleront sur des terrains déjà perturbés. La Commission est d’avis que, vu l’envergure du projet, une fois les mesures d’atténuation proposées en place, il est peu probable que le projet ait des effets socioéconomiques importants.

La Commission juge que Westcoast a démontré de façon satisfaisante qu’elle avait pris des mesures pour obtenir les autorisations exigées pour une évaluation des répercussions sur les ressources archéologiques préalables à l’amorce des activités concrètes de cessation d’exploitation. Elle estime par ailleurs que les répercussions éventuelles du projet proposé sur les ressources patrimoniales seront réduites au minimum grâce aux mesures d’atténuation que la société a planifiées et à son engagement à constamment faire participer les peuples autochtones.

Le 24 juillet 2024, Westcoast a déposé un avis d’examen préalable auprès de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et le rapport d’évaluation à l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. Le premier indique que les permis d’évaluation des répercussions sur les ressources archéologiques ont été remplis et que les lettres d’acceptation ont été accordées. Le second document (rapport à l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon) recommandait que les autres organismes décisionnels donnent leur aval au projet. Or, à la page 64 de ce rapport, il est fait mention de préoccupations à l’égard des ressources patrimoniales : « [traduction libre] Bien que le promoteur semble vouloir informer les peuples autochtones de toute découverte de ressources patrimoniales, ayant indiqué qu’il collaborait avec des groupes autochtones à l’élaboration d’un plan d’atténuation, des doutes persistent sur la question de savoir si c’est le cas. » Dans ces circonstances, l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon a recommandé l’ajout d’une condition d’avis aux peuples autochtones pour cette partie du projet, exigeant de Westcoast qu’elle communique avec la Première Nation de Liard, le Conseil des Dénés de Ross River et la Première Nation Acho Dene Koe si des ressources patrimoniales sont découvertes. Cette dernière recommandation a par la suite été imposée par d’autres organismes décisionnels relevant de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Elle constitue la condition 8 des documents de décision d’origine et la condition 7 du document de décision consolidé.

Des communautés autochtones recensées comme ayant un territoire traditionnel connu ou revendiqué dans la zone du projet, à savoir la Première Nation Acho Dene Koe et la Première Nation de Liard, ont déposé des déclarations de préoccupations, la première ayant désigné explicitement les ressources patrimoniales comme étant une source d’inquiétude. Bien que ces objections aient été retirées après de plus amples communications avec Westcoast, il demeure que deux des trois peuples autochtones mentionnés à la condition 8 des documents de décision (originaux) produits en vertu de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et condition 7 (du document consolidé) doivent être informés de toute découverte de ressources patrimoniales dans cette partie du projet qui se déroule au Yukon. La Commission a imposé la condition 6, qui exige que le PPE soit actualisé. Le point 6 de cette condition exige que celui-ci renferme les modalités, conditions et recommandations qui se trouvaient dans les documents de décision produits en vertu de cette même loi. Cette condition vise aussi à démontrer l’attention que la Commission a porté à ces documents produits en vertu de l’article 87 de cette loi.

Conclusion

La Commission approuve la cessation d’exploitation du projet par abandon sur place et rend l’ordonnance ZO-003-2024 pour donner effet à sa décision. La majorité de la Commission rejette la demande de Westcoast d’être dispensée de l’application de la norme CSA Z662-23 concernant les six bornes d’essai, sans préjudice du droit de la société de déposer une nouvelle demande qui tient compte des motifs de la présente décision. La Commission rappelle à Westcoast qu’elle doit satisfaire en tout temps à toutes les exigences juridiques qui visent le gazoduc abandonné, dont celles du Règlement de la Régie canadienne de l’énergie sur les pipelines terrestres.

La Commission ordonne à Westcoast de signifier la présente lettre et l’ordonnance ci-jointe à toutes les parties intéressées.

Veuillez agréer mes sincères salutations.

La secrétaire de la Commission,

Signé par

Ramona Sladic

Pièce jointe

cc:

Ignatius Yankey, Énergie, Mines et Ressources – Direction des ressources géothermiques et pétrolières, gouvernement du Yukon, Courriel: Information not available
Aparna Verma, Énergie, Mines et Ressources – Direction des ressources pétrolières et gazières, gouvernement du Yukon, Courriel: Information not available
Robin Bradasch, Direction générale du Yukon, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, Courriel: Information not available
Bureau désigné de Watson Lake, Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, Courriel: Information not available
Kathy Racher, Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie,
Courriel: Information not available

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